jeudi 21 juin 2012

Initiation à la grammaire tem Chapitre 3 : le nom Leçon 1 : le schème de base des composants du nom



Sous l’étiquette de nom sont regroupés le nom propre et le nom commun. Le nom commun regroupe, à son tour, le nom d’emprunt et le nom d’origine. Le nom propre (désormais NP), le nom commun d’origine (désormais NCO) et le nom commun d’emprunt (désormais NCE) n’ont pas la même structure. NP et NCE ont un corps figé, non-analysable tandis que NCO est, quant à lui, analysable en unités plus petites. C’est de NCO qu’il est question ici.


1. La terminologie

Quand un NCO est analysé, il révèle son contenu. Les unités qui s’en dégagent doivent être identifiées par des termes appropriés. La grammaire traditionnelle offre une terminologie qui est souvent inappropriée pour une langue Niger-Congo parce qu’elle est fondée d’une part sur la philologie qui date du 3e s. avant notre ère et, d’autre part sur les langues indoeuropéennes. Les termes qui vont être adoptés pour le tem ont l’avantage d’être issus de la linguistique moderne, plus soucieuse d’universalité. L’analyse de NCO tem révèle nécessairement une racine et un affixe et, éventuellement, un dérivatif et un radical.


1.1. Qu’est-ce qu’une racine ?

Quand plusieurs NCO de même champ sémantique (de même famille) ont une partie phonique commune, cette partie représente leur racine. En français, les noms maison, maisonnée et maisonnette ont en commun la séquence phonique « maison ». Cette séquence est la racine des trois noms. Dans chacun des trois noms l’essentiel du sens repose sur elle, en l’occurrence ‘un lieu construit pour être habité’. La racine peut, à elle seule, constituer le nom, c’est le cas de maison.


1.2. Qu’est-ce qu’un dérivatif ?

Il existe des unités morphologiques qui portent du sens comme la racine mais qui n’ont pas une existence autonome. Leur fonction est de s’associer à une racine pour dériver le sens de celle-ci, pour l’amener à avoir un autre sens proche du premier. De leur rôle de dérivation leur vient le nom de dérivatif. En français « é » est un dérivatif qui a pour sens ‘le contenu’. On le voit dans maisonnée qui signifie le ‘contenu en habitants d’une maison’, dans cuillerée qui est le ‘contenu d’une cuiller’, dans bouchée, ‘contenu de la bouche’. Un autre dérivatif français est « et » qui renvoie à l’idée de ‘petitesse’. Il est présent dans maisonnette qui veut dire ‘une petite maison’, dans blondinette qui signifie ‘une petite blonde’, dans poulet qui est ‘une jeune poule’ ou ‘un jeune coq’.


1.3. Qu’est-ce qu’un radical ?

Associée à un dérivatif, la racine devient un radical. Ainsi « maisonné » et « maisonnet » sont des radicaux. Quand la racine se dédouble pour marquer l’intensité ou la répétition, l’ensemble devient un radical. Quand elle s’associe à une autre racine chargée de lui apporter plus de précision sur l’identité de l’objet désigné, l’ensemble devient en radical. Bref si tout ce qui concoure à donner du sens à un nom dépasse la racine, on a affaire à un radical.


1.4. Qu’est-ce qu’un affixe ?

Comme le dérivatif, l’affixe est une unité morphologique qui n’a pas d’existence autonome. Il n’existe que dans une association à une racine ou à un radical. Son rôle n’est pas d’apporter du sens ni d’être un complément de sens mais d’orienter le radical (ou la racine) vers une catégorie grammaticale qui peut être le genre ou le nombre : « e » de maisonnée et « te » de maisonnette représentent, dans des formes en surface différentes, l’affixe indiquant que le NCO auquel elles sont associées chacune est du genre féminin. L’affixe peut se situer à droite ou à gauche du radical. Quand il est à droite il est un suffixe ; quand il est à gauche, il est un préfixe.

1.5. Fonction lexicale et fonction grammaticale

La racine et le dérivatif ont la même fonction : apporter du sens au nom. Elle est dite fonction lexicale. La fonction de l’affixe qui est de dire la catégorie grammaticale à laquelle appartient le nom est dite fonction grammaticale.


La racine, le dérivatif et l’affixe se manifestent dans la langue au moyen de schèmes sonores dont le format est souvent codifié dans chaque langue. Lorsque le nom associe en son sein plus d’une unité à la fois, il peut modifier leurs formes de base. Pour en connaître les règles de modification il faut connaître les formes de base des composants.


2. Le schème phonique de base de la racine tem

Le schème de la racine tem est monosyllabique. Comme, pour toute langue, le schème par excellence d’un monosyllabe est CV, le schème de base du monosyllabe tem est CV. Le C représente chacune des quinze consonnes (b c ɖ f k kp l m n ny ŋm s t w y) et le V chacune des neuf voyelles (a e ɛ i ɩ o ɔ u ʋ) de la langue.

Pour connaître le nombre de monosyllabes CV que peut produire la combinaison de chacune des consonnes avec chacune des voyelles, il suffit de multiplier le nombre des consonnes par le nombre des voyelles. Le résultat donne 135 CV différents. Cent-trente-cinq CV ne suffisent pas pour les milliers de racines à verbaliser. Il est vrai qu’on peut exploiter l’homophonie en attribuant le même schème CV à plus d’une racine. Les limites imposées à ce procédé sont telles qu’il est impossible d’atteindre le nombre de CV qu’il faut pour l’expression des racines tem. 

Pour satisfaire le besoin de schèmes en nombre suffisant, tout en restant dans le cadre monosyllabique, le tem a trouvé deux astuces : 1) élargir CV, 2) réduire CV.
L’élargissement consiste à agrandir la taille du monosyllabe par un élément non susceptible de créer une nouvelle syllabe. Cet élément ne peut être qu’une consonne. La consonne d’élargissement a trois positions au choix dans le schème CV : a) précéder C pour faire CCV, b) suivre C pour avoir CCV et d) suivre V pour avoir CVC. C’est la troisième solution qui est choisie. Elle est l’unique solution adoptée pour l’élargissement. Ainsi, à côté du schème CV, on aura un schème CVC.

Le C- de CVC est du même type que C de CV, c’est-à-dire n’importe laquelle des quinze consonnes. Mais le -C de CVC est réduit à cinq consonnes qui sont /b ɖ k s t/. Au schème CV viennent donc s’ajouter les schèmes CVb, CVɖ, CVk, CVs et CVt.

La position de -C est une position postvocalique permanente. Aussi les consonnes représentées y affichent-elles la forme qu’elles prennent après les opérations successives de voisement et de désocclusion. Rappelons qu’après ces opérations /b/ devient [w] ou [m], /ɖ/ devient [r], /k/ devient [w] ou [ŋ], /s/ devient [z] et /t/ devient [l] ou [n]. 

/CVb/ => [CVw] ou [CVm]
/CVɖ/ => [CVr]
/CVk/ => [CVw] ou [CVŋ]
/CVs/ => [CVz]
/CVt/  =>  [CVl] ou [CVn]

Les schèmes CVw, quelles que soient leurs origines, sont identiques, donc ne font qu’un. Aussi, après l’opération d’élargissement, dispose-t-on de huit schèmes : CV, CVw, CVm, CVr, CVŋ, CVz, CVl et CVn.

La réduction de CV, elle, peut se faire aux dépens de C ou de V. Elle se fait aux dépens de V exclusivement. Donc l’opération de réduction transforme CV en C. Mais, à vrai dire, elle est rare. Seules les connes /ɖ/ et /s/ sont attestées, dans un seul nom chacune.

Au total, après l’opération de multiplication de schèmes phoniques monosyllabiques, on dispose de dix schèmes : CV, CVw, CVm, CVr, CVŋ, CVz, CVl, CVn, ɖ et s.


3. Le schème phonique de base de l’affixe tem

Le nom tem dispose de neuf affixes, qui sont des suffixes. Leur nombre limité permet de connaître leurs schèmes réels, qui sont /ba, ka, b, ɖ, k, s, t, ʋ, a/. Comme celui la racine, le schème de l’affixe est monosyllabique. Comme ceux de la racine, les schèmes de l’affixe sont le résultat d’une opération de multiplication avec la seule opération de réduction qui se fait aux dépens de V de CV.

S’il est possible de révéler le monosyllabe CV dont le C a été retenu, ce n’est pas le cas avec le V. V n’est-il pas un monosyllabe de base au même titre que CV ? Un monosyllabe présent dans les schèmes des unités affixales mais absent dans les schèmes de racines ? Voici les neuf affixes répartis selon leurs schèmes respectifs :

CV : ba ka
C : b k ɖ s t
V : ʋ a



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