mardi 2 octobre 2012

Initiation à la grammaire tem. Chapitre 3 : Le nom. Leçon 10 : Quand le pronom démasque un faux syntagme de coordination

On entend par syntagme de coordination une structure qui associe des entités linguistique de même rang, c’est-à-dire de même catégorie grammaticale et de même fonction syntaxique. Si une des entités est un nom (N) par exemple, l’autre doit être un nom, elle aussi (N+N). Si l’un des N assume la fonction de sujet (S), l’autre doit être de fonction sujet, lui aussi (NS+NS). Si, à la place de la fonction sujet, c’est la fonction objet qu’assume l’un des N, l’autre doit être de fonction objet, lui aussi (NO+NO). Le plus souvent le syntagme est à deux termes (<NS+NS> ou <NO+NO>) mais il n’est pas exclu qu’il en ait plus, trois par exemples (<NS+NS+NS> ou <NO+NO+NO>). Quel que soit le nombre de ses termes un syntagme est soumis aux mêmes lois syntaxiques qu’un nom simple. Notamment il peut être pronominalisé. Dans une langue à genres, les termes du syntagme nominal peuvent appartenir à des genres différents. La forme du pronom étant spécifique à chaque genre, quelle serait la forme du pronom qui reprend un syntagme dont les termes appartiennent à des genres différents ? Le tem est une langue à genres. En cas de pronominalisation, quelle forme prendra le substitut du syntagme dont les termes appartiennent à des genres différents ?

1. Résolution préalable d’une bizarrerie

Dans le syntagme le symbole ‘+’ entre les termes représente le coordonnant, disons le relateur (Rel). Il correspond au ‘et’ du français et au ‘and’ de l’anglais. En tem il est formulé par na. Quand le syntagme <N na N> est face à un verbe en tant que sujet, quand il est donc <NS+NS> il n’a pas de contact direct avec lui ; il est intercédé par un pronom. Si <NS+NS› est strictement équivalent à <NS> pourquoi le syntagme est-il repris par un pronom alors que le nom simple ne l’est pas ? Répondre à cette question aidera probablement à mieux résoudre le problème de la pronominalisation du syntagme. La question sera traitée en questionnant deux identités : l’identité du pronom intercesseur et celle du syntagme lui-même.

1.1. L’identité du pronom intercesseur

Soit le syntagme <bú na ɩgbám> ‘l’enfant et le chasseur’ et le verbe ‘se taire’ à l’accompli <ɩzúɁ>. En faisant du syntagme le sujet du verbe, on s’attend à la formulation *bú na ɩgbám ɩzu. Au lieu de cette formule on a bú na ɩgbám boozú ‘l’enfant et le chasseur se sont tus’ dont l’analyse fait ressortir la composante syntagme sujet (<NS na NS>), la composante verbe (V) et la composante pronom intercesseur (Pr) :

(1) bú na ɩgbám boozú (bú na ɩgbám ba-ɩ-sú)
<búnaɩgbám>ba-ɩ-sú
|||||
<NSRelNS>PrV

Le tableau montre bien un pronom ba entre le verbe et le syntagme. Une telle formulation n’est connue dans la langue qu’avec l’opération de la topicalisation. Mais quand il s’agit d’une telle opération énonciative, il y a une pause entre <NS> et le pronom ; la pause manifeste l’expulsion du nom sujet topicalisé hors de la relation prédicative ; l’expulsion laisse une place vide de sujet qu’occupe alors le pronom. Le syntagme, lui aussi peut faire l’objet de la topicalisation. Quand c’est le cas, l’expulsion du syntagme de la relation prédicative crée une pause. Ainsi, l’énoncé bú na ɩgbám, boozú où <bú na ɩgbám> est topicalisé, a le sens de ‘quant à l’enfant et au chasseur, ils se sont tus’ ; cette traduction, on ne voit bien, est différente de ‘l’enfant et le chasseur se sont tus’ de l’énoncé précédent où le même syntagme n’est pas topicalisé.

Il est vrai que dans le même contexte verbal, on verrait apparaître avec le nom simple <NS> un pronom intercesseur. Celui du syntagme serait-il donc dans la norme attendue ? Pour le savoir il convient d’approfondir notre connaissance sur le rôle de l’intercesseur de <NS>. En substituant <bú na ɩgbám> par <bú> on obtient l’énoncé bú woozu ‘l’enfant dont l’analyse fait apparaître effectivement trois composantes dont un pronom intercesseur, wa :

(2) bú woozú (bú wa-ɩ-sú)
búwa-ɩ-sú
|||
NSPrV

A vrai dire, ce n’est pas toujours qu’il y a un pronom devant le verbe en présence du nom sujet. Dans l’énoncé bú sumáaɁ ‘l’enfant est silencieux’ le radical verbal sum est suivi d’un marqueur verbal, Ha, qui a valeur d’aspect statif (Stat). Entre le nom sujet bú et le verbe, il n’y a pas de pronom.

(3) bú sumáaɁ (bú sum-HaɁ)
búsum-HaɁ
||
NSV

L’absence du pronom est peut-être liée à la non-préfixation du marqueur verbal. Pour en avoir le cœur net, faisons appel au marqueur de négation, ta … Ɂ, qui est un circonfixe ; en effet prend le verbe en sandwich, faisant du segment ta le premier préfixe du verbe. Dans l’énoncé bú to súɁ ‘l’enfant ne s’est pas tu’ le radical verbal su est préfixé par le marqueur de l’accompli ɩ H que le négatif ta oblige à se réduire à H et le segment ta de la négation ; il est clos à droite par le coup de glotte Ɂ, dernière manifestation de la négation.

(4) bú to súɁ (bú ta-súɁ)
búta súɁ
||
NSV

Entre le nom sujet et le verbe, malgré la préfixation de deux marqueurs verbaux, il n’y a pas d’intercession pronominale. On remarque une différence entre le premier marqueur verbal, ɩ H en présence duquel s’est manifesté le pronom et le second, ta … Ɂ en présence duquel il est absent : le premier a un segment vocalique tandis que le second a un segment à initiale consonantique. N’est-ce pas l’initiale vocalique du premier qui aurait occasionné l’apparition du pronom intercesseur ? Vérifions l’hypothèse avec un autre marqueur verbal à initiale ou à segment vocalique, Hn de l’inaccompli (Inac). En tem, une nasale sans support vocalique est traitée comme un noyau syllabique, donc comme une voyelle. Observons l’énoncé bú wô̰zúm ‘l’enfant va se taire’ :

(5) bú wô̰zúm (bú wa-nzúm)
búwa-nzúm
|||
NSPrV

Avec un marqueur verbal préfixé à segment vocalique le pronom réapparaît. Il ne s’agit donc pas de pronom à proprement parler, c’est-à-dire un pronom qui reprend le nom mais un outil sans valeur morphosyntaxique servant simplement de support à un marqueur verbal préfixé à segment vocalique. C’est pourquoi il est invariable. Certes, la forme ʋ est celle du pronom représentant le genre humain et, dans les exemples ci-dessus, le nom supposé repris est aussi du genre humain. Mais si le nom bú prend la forme de pluriel, bíya, qui exige la forme ba au pronom, le pronom-support demeure wa comme le montre l’énoncé bíya wô̰zúm ‘les enfants vont se taire’ :

(6) bíya wô̰zúm (bi-ba wa-nzúm)
bi-bawa-nzúm
 || 
 PlG1G1 

Le support demeure wa après un nom d’un genre autre qu’humain. En effet dans l’énoncé fôɔ woozu ‘le chien s’est tu’, le nom fôɔ ‘chien’ devrait être repris par un pronom de forme ka ; à la place de cette forme c’est wa qu’on a :

(7) fôɔ wô̰zúm (fa-ka wa-nzúm)
fa-kawa-nzúm
 || 
 G3G1 

Une règle s’impose. En voici la formulation : Si un nom sujet est suivi d’un verbe, les deux constituants syntaxiques sont séparés par une pause et l’initiale du verbe doit être consonantique. Si, par préfixation d’un marqueur verbal le verbal venait à avoir une initiale vocalique celle-ci doit être soutenue par un support à initiale consonantique. Ce support peut être un autre marqueur précédant le premier à initiale vocalique. En l’absence d’une telle solution, il est fait appel à un outil qui prend la forme du pronom sujet à cause de sa soudure morphologique au verbe. Cette forme est invariablement wa.

Pour revenir au pronom ba qui intervient concomitamment au syntagme de coordination, on observe les faits suivants :

Les membres coordonnés d’un syntagme ne peuvent qu’imputer une forme de pluriel au pronom qui les représente. Dans l’énoncé (1) ci-dessus (bú na ɩgbám boozu) le pronom ba est effectivement une forme de pluriel du pronom tem. Cette forme de pluriel correspond au marqueur du genre humain dont une des formes est wa.

(1) bú na ɩgbám boozu (bú na ɩgbám ba- ɩ-su)
<bú   na   ɩgbám>   ba-   ɩ-su
|       |   |    
<G1       G1>   PlG1    

En outre l’exemple (8) bú na fôɔ boozu ‘l’enfant et le chien se sont tus’ où bú est du genre humain (G1) et fôɔ du genre menu (G3) montre que même si l’un des membres d’un syntagme n’est pas du genre humain, le pronom reste du genre humain :

(8) bú na fôɔ boozu (bú na fôɔ ba- ɩ-su)
<bú na fôɔ> ba-  ɩ-su
|   |<|  
<G1    G3>  PlG1  

Mieux encore, l’exemple (9) fôɔ na fééni boozú ‘le chien et les moutons se sont tus’ où aucun des membres du syntagme n’appartient au genre humain montre que ba, tout comme wa, n’est pas sensible au genre des termes du syntagme.

(9) fôɔ na fééni boozu (fôɔ na fééni ba- ɩ-su)
<fôɔ na fééni> ba-  ɩ-su
|   | |  
<G3    PlG4>  PlG1  

Au regard de ces faits, on pourrait se demander si ba n’est pas la réplique de wadans le contexte du syntagme. Mais d’autres considération et fait invalident l’interrogation.

Il y a d’abord le principe selon lequel un pluriel en vaut un autre : un pluriel imputé à l’addition de deux noms représentant des êtres différents est le même qu’un pluriel imputé à un nom représentant au moins deux êtres identiques. Si, au pluriel de bíya (pluriel de bú, exemple (6)) le pronom n’a pas répondu par une forme pluriel, il n’y a pas de raison qu’il réponde quand il s’agit de deux noms différents des syntagmes bú na ɩgbám de l’exemple (1) et bú na fôɔ de l’exemple (8).

Il y a ensuite les énoncés bú na ɩgbám bozumáaɁ ‘l’enfant et le chasseur sont silencieux’

(10) bú na ɩgbám bozumáaɁ (bú na ɩgbám ba- sum-HaɁ)
<bú na ɩgbám> ba-  sum-HaɁ
      |  
      Pr  

et bú na ɩgbám bodosúɁ ‘l’enfant et le chasseur ne se sont pas tus’

(11) bú na ɩgbám bodo súɁ (bú na ɩgbám ba- ta-H-suɁ)
<bú na ɩgbám> ba- ta-H-suɁ
      |  
      Pr  

ba est présent bien que le verbe n’ait pas de début vocalique à supporter. Le pronom ba est donc bien généré par le syntagme. S’il ne s’adapte pas au genre des termes du syntagme même quand ceux-ci sont du même genre, c’est que ce ne sont pas les termes qu’il représente qui sont pronominalisés. Son invariabilité est due à autre chose qu’à une simple addition de noms. Cela suppose que le syntagme en question ici n’est pas un syntagme de coordination. Qu’est-ce alors ?

1.2. Identification du syntagme par le test de la pronominalisation des termes

Le tem a l’avantage de donner des formes différentes à son pronom en fonction de ses rôles syntaxiques. Si donc un pronom en fonction sujet se reconnaît par sa forme, en pronominalisant les termes du syntagme on saura si chacun des termes est effectivement en fonction sujet. Le tem a également l’avantage de pronominaliser concomitamment les deux termes du syntagme même si ceux-ci appartiennent au même genre. Ce n’est certainement pas une particularité attachée à la langue à genres qu’il est mais probablement une spécificité de son syntagme de coordination. Un syntagme peut être énoncé isolément comme réponse à une question. Un syntagme tel que bú na ɩgbám ‘l’enfant et le chasseur’ peut être une réponse à la question de savoir qui s’est tu. Pour pronominaliser ses termes, nul n’est besoin de l’intégrer dans un énoncé plus large. Voici donc le syntagme des noms en (12) et son équivalent en pronoms en (13). Rappelons que les deux noms sont du même genre humain :

(12)   bú   na   ɩgbám
    |       |
(13)   î       yɩɁ

La réalisation î du pronom de bú est celle d’un ʋ en fonction sujet. En effet il est soudé à na dont la voyelle a lui attribue en retour ses traits –ATR et –Ro selon les règles de l’harmonie vocalique. L’accent qu’il porte n’est pas de lui. L’accent est attaché à na en tant qu’accent flottant à gauche et près à se fixer sur une des dépendances de na ; la forme complète du relateur est donc Hna. Au total, tel un pronom en fonction sujet, ʋ de bú est entièrement sous la dépendance de Hna. La réalisation de yɩɁ, quant à elle, est celle du même pronom ʋ du genre humain mais en fonction objet.

î   na   yɩɁ
|       |
ʋ sujet       ʋ objet

Tout se passe comme si notre syntagme de coordination était plutôt une relation prédicative dont le premier terme est le sujet, le second terme l’objet et le relateur un prédicat (Préd).

bú   na   ɩgbám
|   |   |
NS   Préd   NO

La pronominalisation des termes du syntagme révèle la vraie identité de notre syntagme. Il ne s’agit d’un syntagme de coordination dont les termes sont symétriques et, comme tels, assument la même fonction syntaxique. Il s’agit plutôt d’une structure particulière de relation prédicative ou l’un des termes joue le rôle se sujet et l’autre celui d’objet. Une relation prédicative n’est pas habilitée à être sujet, tout au moins un sujet direct de verbe. Le pronom intercesseur peut être interprété de deux façons : soit qu’il est le marqueur qui nominalise la relation prédicative <NS Hna NO> afin de lui attribuer un statut lui permettant d’assumer la fonction sujet, soit comme un pronom neutre ayant pour fonction de reprendre une structure non-nominale dont le but est d’assumer une fonction sujet, ce qui justifierait son invariabilité. Dans tous les cas, avec <NS Hna NO>, on a affaire à un syntagme prédicatif.

2. La pronominalisation du syntagme prédicatif

Maintenant que nous connaissons les vraies identités du syntagme et de son pronom intercesseur, ba, nous pouvons procéder à sa pronominalisation en tant qu’entité afin de satisfaire à notre curiosité de départ.

Soit deux syntagmes prédicatifs <bú na ɩgbám> et <fôɔ na fééni> dans un énoncé tel que bú na ɩgbám baamʋ fôɔ na fééni ‘l’enfant et le chasseur ont acheté un chien et des moutons’. L’analyse de l’énoncé met au jour trois constituants syntaxiques, le sujet <bú na ɩgbám ba->, le verbe <ɩmʋ> et l’objet <fôɔ na fééni>. La pronominalisation des deux syntagmes au sein de l’énoncé donne le nouvel énoncé suivant : baamʋ wɛɁ ‘ils les ont achetés’ dont l’analyse donne <ba-> sujet, <ɩmʋ> verbe et <wɛɁ> objet. La forme ba pour le pronom sujet était prévisible puisqu’elle était déjà présente concomitamment au syntagme. La forme wɛɁ ne trahit pas car si on a PLG1 (ba) pour le sujet on devrait s’attendre à un PLG1 aussi pour l’objet ; elle ne trahit pas non plus car la forme de PlG1 en situation d’objet est wɛɁ.

<bú na ɩgbám ba->   <ɩmʋ>   <fôɔ na fééni>
|       |
<ba- sujet>       <ba- objet>
|       |
ba       wɛɁ

En revanche ce que la pronominalisation nous apprend c’est le choix du genre humain (G1) comme fournisseur, encore fois, du pronom neutre. On se rappelle que c’est le même genre qui a fourni wa comme support de marqueurs verbaux à initiale vocalique. On comprend que la forme du pronom de genre, ʋ, ayant donc été pris pour servir de support, il ne reste au genre fournisseur que la forme de pluriel du pronom, ba.

A ce stade de l’exposé, toutes nos interrogations en rapport avec le syntagme que nous reconnaissons désormais comme prédicatif ont trouvé réponses. Mais jusqu’ici nous avons examiné NS en tant que N ou son substitut pronominal IL. La forme ba du pronom demeure-t-il si les termes ou l’un des termes est un nom allocutif ?

3. La pronominalisation du syntagme comportant un allocutif

L’allocutif est le nom que deux interlocuteurs se donnent pendant un échange interlocutoire. L’énonciateur se donne le nom JE et nomme le co-énonciateur TU. JE et TU peuvent être singulier ou pluriel. En tem voici les formes des allocutifs selon leur nombre et leurs fonctions :

  Topic S O
JE singulier môô  má ma
JE pluriel ɖôô  ɖá ɖáaɁ
TU singulier nyôô  nyá nya
TU pluriel mîyôô   mîɩɁɁ

Les termes NS et NO du syntagme <NS Hna NO> ne sont pas l’instance du seul nom N et de son pronom IL. Il peut accueillir les noms allocutifs que sont JE et TU. Si l’un des termes est instancié par un allocutif celui-ci occupe la position NS ; si les deux termes sont des allocutifs, c’est JE qui occupe la position NS. Voici les cinq combinaisons possibles avec quand un des termes au moins est un allocutif :

NS Hna NO
|    |
JE    N
JE    IL
JE    TU
TU    N
TU    IL

Un syntagme à terme allocutif peut, lui aussi, avoir un substitut pronominal. Le résultat de la pronominalisation du syntagme à termes N ou IL n’a pas donné un résultat différent du pronom intercesseur devant le verbe dont le syntagme est sujet. Il suffit donc de mettre au jour l’intercesseur d’un syntagme à terme allocutif pour connaître son substitut pronominal. Les données sont les suivantes :

JE + N : mána bú ɖóózú   l’enfant et moi nous nous sommes tus
JE + IL : mána yɩ ɖóózú   lui et moi nous nous sommes tus
JE + TU : mána nya ɖóózú   toi et moi nous nous sommes tus
TU +N : nyána bú múúzú   toi et l’enfant vous vous êtes tus
TU + IL : nyána yɩ múúzú   toi et lui vous vous êtes tus

De l’analyse de ɖóózú ‘nous nous sommes tus’ et múúzú ‘vous vous êtes tus’, il ressort que l’intercesseur est ɖá- c’est-à-dire JE pluriel (JEpl) quand le terme NS est JE et qu’il est mî- c’est-à-dire TU pluriel (TUpl) quand le terme NS est TU.

NS   Hna   NO     Pr
|       |     |
JE       N   JE pluriel
JE       IL   JE pluriel
JE       TU   JE pluriel
TU       N   TU pluriel
TU       IL   TU pluriel

Il suffit donc qu’un des termes du syntagme soit un allocutif pour que le substitut soit ce allocutif au pluriel, que le terme allocutif soit singulier ou pluriel. Il découle de cette mise au jour que l’intercesseur du syntagme à termes N ou IL n’est pas ba par hasard. Quel que soit le marqueur de genre choisi, il devrait être de forme pluriel. Ce qui est donc invariable dans ba, c’est uniquement le genre. Le ba comme l’allocutif pluriel restent variable pour le reste, en particulier avec la fonction. A l’instar de ba qui se réalise ba- en position sujet, wɛɁ en position objet et bamH en position de topicalisé, JEpl se réalise ɖá- en position sujet, ɖáaɁ en position objet et ɖôô en position de topicalisé ; de son côté TUpl se réalise mî- en position sujet, mîɩɁ en position objet et mîyôô en position de topicalisé. Schéma :

   Topic S O
ba bamH ba- wɛɁ
ɖá ɖôô ɖá- ɖáaɁ
 mîyôô mî- mîɩɁ

Conclusion

L’habitude de voir les termes d’un syntagme de coordination reliés par un coordonnant a failli nous induire en erreur quant au statut du syntagme tem qui réunit deux noms à l’aide d’un relateur extérieurement semblable à un simple coordonnant. La pronominalisation des termes a permis de découvrir qu’au lieu de servir d’axe de symétrie aux deux termes, le relateur tem se comporte comme un verbe faisant du terme qui le précède un sujet et du terme qui le suit un objet. C’est donc à l’aide d’une construction prédicative que le tem exprime la mise en compagnie de deux entités nominales différentes. Cette formule n’est pas une spécificité d’une langue à genres ; le français qui en est une exprime la mise en compagnie à l’aide d’un vrai syntagme de coordination. La disposition tem peut être présente ailleurs notamment dans une langue sans genres. Le seul moyen de détecter dans une langue une construction prédicative aux fins de mise en compagnie de deux êtres comme le fait le tem est la présence ou l’absence d’un pronom intercesseur entre le syntagme et le verbe dont il est sujet, sans qu’il ne soit question de topicalisation.

dimanche 2 septembre 2012

Initiation à la grammaire tem. Chapitre 3 : Le nom. Leçon 9 : Le pronom dans tous ses états

Dans le discours, l’unité grammaticale spécialisée dans la reprise du nom est le pronom. Il n’y en a qu’un par langue. Mais tel un caméléon, il se couvre de robes différentes pour s’adapter à certains contextes, sémantiques ou syntaxiques. En tem, les contextes qui contraignent le pronom à changer de robe sont le genre, le pluriel et l’autonomie morphosyntaxique.

1. Le contexte du genre

Dans une langue sans genres, le pronom a la même forme pour tous les noms du lexique. Dans une langue à genres, il doit refléter le genre du nom repris. Pour cela il prend une forme spécifique propre à ce genre. Généralement, le pronom, tel ce mollusque des plages qui squatte le coquillage vide à sa portée, prend la forme du marqueur de genre. On sait que le tem a quatre genres : le genre humain dont le marqueur est ʋ, le genre dérivé dont le marqueur est ɖ, le genre menu dont le marqueur est ka et le genre neutre dont le marqueur est k. Les formes de ces marqueurs sont autant de refuges pour le pronom. Ainsi, il prend la forme ʋ pour le genre humain, la forme ɖ pour le genre dérivé, la forme ka pour le genre menu et la forme k pour le genre neutre. Dans le tableau qui suit G1, G2, G3 et G4 représentent respectivement le genre humain, le genre dérivé, le genre menu et le genre neutre.

G1   G2   G3   G4
|   |   |   |
ʋ   ɖ   ka   k

2. Le contexte du pluriel

Le changement de forme du pronom quand le nom dont il est le substitut passe au pluriel semble une constante dans les langues. Dans une langue à genres, le substitut pronominal d’un nom au pluriel doit refléter à la fois le genre et le pluriel. Les quatre genres du tem regroupent, chacun, des noms comptables. Ceux-ci peuvent donc subir une dérivation plurielle. On sait que la pluralisation se fait en tem au moyen de la substitution du marqueur de genre par un marqueur de pluriel. Donc, au pluriel, le nom affiche un nouveau marqueur. La coquille de ce marqueur devient le refuge du pronom pluriel. Comme les marqueurs de pluriel des genres sont, dans l’ordre, ba, a, s et t, le pronom aura les formes respectives suivantes : ba, a, s et t. Il faut y inclure la forme de pluriel b réservée à certains noms à valeur dense ; en la squattant le pronom épouse sa forme. Au total, les formes de pluriel du pronom sont les suivantes :

G1   G2   G3   G4   dense
|   |   |   |   |
ba   a   s   t   b

On notera que le pronom n’emprunte à l’affixe du nom que sa carcasse segmentale. A la différence du suffixe nominal, le pronom n’est pas associé à l’accent.

3. L’autonomie morphosyntaxique

Outre leur différence de forme, l’unité grammaticale et l’unité lexicale assument des fonctions différentes. Le pronom est, par sa forme, une unité grammaticale mais il est appelé à assumer des fonctions réservées à l’unité lexicale. Cette situation l’amène à adopter deux types de forme dans le discours, l’un quand il est en situation de dépendance par rapport à une unité lexicale et l’autre quand il est autonome par rapport aux unités lexicales environnantes.

3.1. La dépendance

En fonction sujet, le pronom est intimement lié au verbe, une unité lexicale. Cette union se manifeste par l’assomption de certains marqueurs verbaux par le pronom. Dans l’exemple qui suit, l’accent H est un marqueur verbal (il exprime l’injonction (Inj)) pourtant il est fixé, non pas par le verbe salaɁ mais par le pronom ba.

bá salaɁ
ba   H   salaɁ
ils   Inj   tomber
Qu’ils tombent !

Dans cet autre exemple, ɩ H est le marqueur qui indique que le verbe est à l’aspect accompli. L’assimilation de son segment ɩ par la voyelle de ba montre que le marqueur verbal s’adosse au pronom. Le radical n’en reçoit que l’accent.

baa zálaɁ
ba   ɩ H   salaɁ
ils   Acc   tomber
Ils sont tombés

Ci-dessous le marqueur verbal d’inaccompli Hn repose entièrement sur le pronom ba. Son segment n se fond dans la voyelle du pronom qui devient nasale, et c’est la même voyelle qui sert de support à l’accent H.

bâ̰ zalîɩ
ba   Hn   salîɩ
ils   Inac   tomber
Ils vont tomber

En fonction de déterminant de nom, le pronom est préfixé et directement lié au nom déterminé. Etant ainsi en contact direct avec le nom, sa voyelle impose son influence affaiblissante à la consonne du déterminé. Dans l’exemple suivant, l’affaiblissement de f de fará en v sous l’influence de a de ba prouve que ba et fará sont intimement liés.

ba vará
ba   fará
leurs   dabas
Leurs dabas

Dans les deux contextes de fonction sujet et de déterminant, le pronom est intégré dans une unité lexicale, laquelle lui assure la dépendance qui est le propre d’une unité grammaticale. Dans ces conditions, le pronom garde les formes empruntées aux affixes qui, rappelons-le, sont les marqueurs de genre (MG) et les formes du marqueur de pluriel (MP) :

  MG   MP
  |   |
G1 ʋ   ba
G2 ɖ   a
G3 ka   s
G4 k   t
dense     b

Le tableau ci-dessus fait apparaître trois types de schème phonématiques pour le marqueur (M) : CV, V et C. Dans le discours, le schème C recourt à une voyelle de soutien. Celle qui lui est offerte est ɩ. Ainsi pour devenir schème de pronom, le schème C de marqueur doit s’ouvrir pour devenir CV. Voici donc les schèmes du pronom (P) selon qu’il représente le nom ou son pluriel :

M       P
|       |
b    
ɖ     ɖɩ
k    
s    
t    

En principe, les schèmes a et ʋ constitués chacun d’une voyelle ne devraient pas avoir de problèmes, mais c’est sans compter avec ʋ. Soit le corpus de noms et de verbes suivant où H représente un accent flottant :

tûʋ   maître, seigneur
ɩzá   yeux
Hn sám   être en train de / féliciter
ɩ H sa   avoir / féliciter

Intégré dans unités lexicales, le schème a ne change pas de forme :

a dûʋ   leur maître
a azá   leurs yeux
â̰ zám   ils sont en train de féliciter
aa zá   ils ont félicité

Dans les mêmes conditions, le schème ʋ, lui, se mue en wa devant une voyelle ou un n syllabique :

ʋ dûʋ   son maître
wa azá   ses yeux
wâ̰ zám   il est en train de féliciter
waa zá   il a félicité

Les formes que prend le pronom en fonction sujet ou de déterminant sont, dans le discours, les suivantes, avec FG pour forme de genre et FP pour forme de pluriel :

  FG   FP
  |   |
G1 ʋ/wa   ba
G2 ɖɩ   a
G3 ka  
G4  
dense    

Les modifications imposées par le discours ne s’arrêtent pas là. En tant qu’unité morphologique dépendante d’une unité lexicale en situation de préfixe, le pronom doit accueillir à la fois la propriété ATR et la propriété Ro de la voyelle radicale au profit de la sienne. Ainsi, selon le contexte a peut se réaliser a, ɛ, ɔ, e ou o ; de son côté ɩ peut se réaliser ɩ, ʋ, i ou u. Mais l’harmonie vocalique n’est pas spécifique au pronom. Elle est le sort réservé à toute unité grammaticale dépendante au sein du domaine d’une unité lexicale. Toutefois, l’harmonisation vocalique souligne la dépendance du pronom par rapport au nom dont il est le déterminant ou au verbe dont il est le sujet.

3.2. L’autonomie

Deux indicateurs signalent l’autonomie du pronom dans le discours : 1) la non soumission à l’harmonie vocalique et 2) la différence de forme par rapport à celle du pronom en fonction sujet ou de déterminant. Cette autonomie se manifeste dans deux instances syntaxiques : la fonction objet et l’emphase.

3.2.1. L’autonomie du pronom en fonction objet

Un match de football oppose deux équipes A et B. Un spectateur souhaite que les joueurs de l’équipe A gagnent ceux de l’équipe B. Il énonce son souhait en se servant du même pronom ba en fonction sujet et en fonction objet autour du verbe ɖi HɁ ‘gagner’ :

bé ɖí wêɁ
ba   H   ɖi HɁ   wɛ HɁ
ba sujet   Inj   Verbe   ba objet
Qu’ils les gagnent !

Puis il fait un constat à l’aide du même pronom autour du même verbe :

bee ɖi wɛɁ
ba   ɩ H   ɖi HɁ   wɛ HɁ
ba sujet   Acc   Verbe   ba objet
Ils les ont gagnés

Dans le souhait comme dans le constat, la voyelle de ba en fonction sujet subit les règles de l’harmonie vocalique qui la contraignent à adopter les propriétés +ATR et -Ro de i, la voyelle du verbe. Cette contrainte trahit la dépendance de ba au verbe. Si les mêmes contraintes avaient été imposées à la voyelle de ba objet, elle se serait réalisée e. ba objet est donc indépendant du radical verbal. Pourquoi ba objet se réalise-t-il wɛ HɁ ?

La forme wɛ HɁ n’est pas celle d’une réalité totalement nouvelle. Dans la forme de base il y a ba. Comment ba qui, en autonomie aurait dû se réaliser ba, se réalise-t-il wɛ HɁ ?

Pour que a de ba devienne ɛ, il faut qu’il ait subi une coalescence avec ɛ ou ɩ. Il n’existe pas, dans la langue un morphème ɛ, en revanche ɩ est souvent le corps nombre de morphèmes. La coalescence s’est donc opérée entre a et ɩ. ba étant dépourvu d’accent, c’est ɩ qui est l’unité qu’accompagne l’accent flottant de wɛ HɁ. Doté d’un accent, ɩ prend l’allure d’un suffixe. Mais pour être un vrai suffixe il aurait fallu que son accent soit fixé par lui (ɩH) ou qu’il flotte à sa gauche () et qu’il ne soit pas affecté par un coup de glotte (Ɂ).

En réalité wɛ HɁ est un simulacre de suffixe. L’autonomie dans le discours est le propre d’une unité lexicale, notamment le nom. Pour tenir cette position, ba est obligé de simuler une structure nominale, faisant de son propre corps un simulacre de radical lexical qu’il fait accompagner par un simulacre de suffixe. Donc wɛ HɁ résulte de l’association du faux radical ba et du faux suffixe ɩ HɁ. Les autres formes du pronom en fonction objet relatives aux genres et au pluriel se construisent sur le même modèle.

ba   +   ɩ HɁ     wɛ HɁ
ka   +   ɩ HɁ     kɛ HɁ
ɖɛ   +   ɩ HɁ     ɖɛ HɁ
a   +   ɩ HɁ     yɛ HɁ
ʋ   +   ɩ HɁ     yɩ HɁ
  +   ɩ HɁ     bɩ HɁ
  +   ɩ HɁ     kɩ HɁ
  +   ɩ HɁ     sɩ HɁ
  +   ɩ HɁ     tɩ HɁ

Constat et explication :

a) La coalescence entre a ou ɛ et ɩ donne ɛ.
b) La coalescence entre ɩ ou ʋ et ɩ donne ɩ.
c) L’affaiblissement de b de ba en w n’a pas d’explication apparente.
d) Dans l’imitation du suffixe, ɖɛ a gardé l’épenthétique ɛ du vrai suffixe. C’est ce ɛ qui entre en coalescence avec ɩ, coalescence dont résulte ɛ.
e) Quand le schème du faux radical est V, le faux affixe l’embrasse en dégageant une copie de ɩ pour servir de préfixe : ɩ HɁ devient ainsi ɩ ... ɩ HɁ. Mais alors le ɩ préfixe devant une voyelle se transforme en consonne, en l’occurrence y ; l’ensemble de la construction /ɩ-V-ɩ HɁ/ se transforme en /y-V-ɩ HɁ/.

3.2.2. L’autonomie en situation d’emphase

Deux opérations énonciatives sont à la base de la situation d’emphase : la topicalisation et la focalisation.

L’emphase par la topicalisation

En grammaire de l’énonciation, une relation prédicative comprend deux participants (un agent et un patient) et, pour lier les deux, un relateur. D’une manière caricaturale on assimilera l’agent au sujet (S), le patient à l’objet (O) et le relateur au verbe (V). La relation prédicative sera ainsi symbolisée : <S V O>. L’un des deux participants peut être topicalisé, c’est-à-dire mis en exergue. Si les participants S et O sont des pronoms, leur topicalisation leur confèrera une forme spécifique et, en même temps, l’autonomie par rapport au relateur, du moins pour celui qui n’en avait pas. En effet, on sait qu’en tem le pronom objet, le O de la relation prédicative, est autonome ; ce qui n’est pas le cas du pronom quand il occupe la place du terme S de la relation.

Soit la relation prédicative <ba (S) da na (V) bɔ gɔɔnáaɁ (O)> dans le contexte de l’énoncé suivant :

bíya   sɩ sɩ   ba   da na   bɔ gɔɔnáaɁ
enfants   ils disent que   ils   n’ont pas vu   leurs mères
        S   V   O
Les enfants disent qu’ils n’ont pas vu leurs mères

Pour topicaliser S, on l’évince de la relation <S V O> et on le met en tête, bref on le préjette. Il devient alors ST (S topique), mais il laisse sa trace sous forme de S dans la relation qui devient <ST <S V O>>. Rendu autonome du relateur, ST reçoit une forme différente ; il devient bam (lire ce mot et, par la suite tout mot comportant une séquence finale Vm(Ɂ) avec un accent sur m) tandis que S, lui, reste ba :

bíya   sɩ sɩ   bam   ba   da na   bɔ gɔɔnáaɁ
enfants   ils disent que   eux   ils   n’ont pas vu   leurs mères
        ST   S   V   O
Les enfants disent que eux, ils n’ont pas vu leurs mères

Le pronom objet tem, le O de la relation prédicative, est autonome, on vient de le voir. Sa topicalisation ne lui apportera donc pas une autonomie qu’il a déjà mais une forme propre au pronom en situation d’emphase. Soit la relation prédicative <bɔ gɔɔnáa (S) ta na (V) wɛɁ (O)> dans le contexte de l’énoncé suivant :

bíya   sɩ sɩ   bɔ gɔɔnáa   ta na   wɛɁ
enfants   ils disent que   leurs mères   n’ont pas vu   les
        S   V   O
Les enfants disent que leurs mères ne les ont pas vus

Pour topicaliser le terme O il suffit de lui affecter la forme propre à un pronom topicalisé, laquelle est bamɁ pour le G1 pluriel ba :

bíya   sɩ sɩ   bɔ gɔɔnáa   ta na   bamɁ
enfants   ils disent que   leurs mères   n’ont pas vu   eux
        S   V   OT
Les enfants disent que leurs mères ne les ont pas vus, eux

L’emphase par la focalisation

La focalisation dont l’objet est d’identifier un être parmi d’autres met le pronom en situation d’emphase. Si l’on choisit de focaliser le terme O de la relation prédicative <bɔ gɔɔnáa (S) ta na (V) wɛɁ (O)>, wɛɁ sera préjeté hors de la relation :

bíya   sɩ sɩ   bam     bɔ gɔɔnáa   ta na
enfants   ils disent que   eux   c’est   leurs mères   n’ont pas vu
        OF   focalisateur   S   V
Les enfants disent que ce sont eux que leurs mères n’ont pas vus

Ici c’est encore la forme bamɁ que prend le pronom objet focalisé. C’est toujours la même forme quand le terme S qui est focalisé, comme ici :

bíya   sɩ sɩ   bam   ba   da na   ná   bɔ gɔɔnáaɁ
enfants   ils disent que   eux   ils   n’ont pas vu   c’est   leurs mères
        SF   S   V   focalisateur   O
Les enfants disent que ce sont eux qui n’ont pas vus leurs mères

La forme bamɁ est construite à partir de ba. Le complément est un autre simulacre de suffixe qui transforme le vrai suffixe Hb en bH, le tout affecté d’un coup de glotte : bHɁ. Le segment b affaibli par la voyelle du faux radical devient m.

Ainsi donc, en situation d’autonomie, tous les faux radicaux se laissent suffixer par mHɁ. Le fait est que le faux radical ʋ a une audibilité faible à cause de sa propriété -Ouv. En se laissant fermer par une consonne, qui plus est assombrissante, elle risque d’aggraver sa faiblesse. Pour y échapper ʋ affecte une copie d’elle-même en soutien à m qui devient alors le C d’une nouvelle syllabe CV ; l’opération transforme ʋmɁ en ʋmûɁ. Voici donc le tableau des formes de l’emphatique (E dans le tableau) selon qu’il indique un genre (G dans le tableau) ou le pluriel (P dans le tableau) :

  EG   EP
  |   |
G1 ʋmûɁ   bamɁ
G2 ɖɩmɁ   amɁ
G3 kamɁ   sɩmɁ
G4 kɩmɁ   tɩmɁ
dense     bɩmɁ

En autonomie donc, le pronom se présente sous une forme dont la structure s’apparente à celle du nom, c’est-à-dire une structure faite d’un radical et d’un suffixe.

Récapitulons

Pour s’adapter aux genres le pronom prend quatre formes :

G1   G2   G3   G4
|   |   |   |
ʋ   ɖɩ   ka  

Pour s’adapter au pluriel par genre et au dense il prend cinq formes :

G1   G2   G3   G4   dense
|   |   |   |   |
ba   a      

Pour s’adapter à la situation d’autonomie dans l’énoncé en fonction objet le pronom prend quatre formes par rapport au genre :

G1   G2   G3   G4
|   |   |   |
yɩ HɁ   ɖɛ HɁ   kɛ HɁ   kɩ HɁ

et cinq formes par rapport au pluriel :

G1   G2   G3   G4   dense
|   |   |   |   |
wɛ HɁ   yɛ HɁ   sɩ HɁ   tɩ HɁ   bɩ HɁ

Pour s’adapter à la situation d’autonomie dans l’énoncé en situation d’emphase le pronom prend quatre formes par rapport au genre :

G1   G2   G3   G4
|   |   |   |
ʋmûɁ   ɖɩmɁ   kamɁ   kɩmɁ

et cinq formes par rapport au pluriel :

G1   G2   G3   G4   dense
|   |   |   |   |
bamɁ   amɁ   sɩmɁ   tɩmɁ   bɩmɁ

mercredi 22 août 2012

Initiation à la grammaire tem Chapitre 3 : Le nom Leçon 8 : Qu’est-ce que le pronom ?

On appelle discours un texte oral ou écrit énoncé en une ou plusieurs phrases. Le discours évoque des êtres (personnes ou objets) à travers leurs désignations formulées sous forme de nom ou d’expression nominale. Au fil de son discours, l’orateur ou l’écrivain peut avoir besoin d’évoquer plus d’une fois un même être, donc son nom ou l’expression qui le désigne. Reprendre le même nom à chaque fois donnerait à son discours un caractère enfantin et insipide. Comment se prend donc l’orateur ou l’écrivain face à la nécessité de rappeler plusieurs fois l’image d’un être ?

1. La substitution

Les circonstances qui amènent l’écrivain ou l’orateur à devoir répéter l’évocation d’un personnage sont nombreuses. On peut citer la description d’un individu ou le reportage sur l’activité d’une personne. A titre d’exemple voici un texte de reportage journalistique. Il s’agit d’un article paru dans le quotidien ivoirien L’Expression n° 563 du vendredi 24 juin 2011 sous la plume de Jean-Roche Kouamé (avec quelques retouches sur l’orthographe de ma part) :

La 17ème Assemblée des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union Africaine (UA) se tient du 23 juin au 1er juillet à Malabo, en République de Guinée Equatoriale.

Le thème retenu est : “Accélérer l’autonomisation de la jeunesse pour le développement durable”.

Le Président de la République, Alassane Ouattara, participera à son premier sommet de l’UA en tant que Président investi.

Le Chef de l’Etat est accompagné par une délégation qui comprend le Ministre d’Etat, Ministre des Affaires Etrangères, Daniel Kabran Duncan, le Ministre des Mines et de l’Energie, Adama Toungara, le Ministre chargé de l’Intégration, Adama Bictogo, du Directeur du Protocole d’Etat, Collet Philippe Vieira, du Chef de Cabinet, Sidi Touré, du Conseiller en charge des Affaires Internationales, Mamadi Diané, de la Conseillère en Communication, Masséré Touré, du Chargé de Protocole du Président, Eric Taba et d’une douzaine de journalistes.

Le président de Guinée Equatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, Président en exercice de l’Union Africaine qui a pris part à l’investiture du Président Ouattara , le 21 mai à Yamoussoukro, sera heureux de retrouver le n°1 ivoirien .

En marge du sommet, les deux Chefs d’Etat aborderont les relations bilatérales entre Abidjan et Malabo. Dans la crise postélectorale, on le sait, Obiang Nguema avait pris fait et cause pour Laurent Gbagbo. L’occasion est belle pour les deux hommes d’Etat de relancer la coopération sur des bases plus solides.

Au-delà des dossiers politiques, l’enjeu de cette visite est aussi économique. Le Président ivoirien fait le déplacement dans ce petit pays d’Afrique Centrale, producteur de pétrole, avec son ministre des Mines et de l’Energie. Nul doute qu’Adama Toungara nouera des contacts avec son homologue en vue du renforcement de l’axe Abidjan-Malabo.

Le personnage évoqué à plusieurs reprises est désignée par une expression, “le Président de la République, Alassane Ouattara” (§ 3). L’expression dit l’identité du personnage (Alassane Ouattara) et la qualité au nom de laquelle il agit (Président de la République).

Tout ce qui va suivre dans le cours du reportage et qui sera fait ou dit par ce personnage le sera par “le Président de la République, Alassane Ouattara”. A chaque fois qu’il sera question du même personnage comment s’y prend le journaliste reporter ?

Pour les évocations suivantes le personnage est repris successivement par les expressions suivantes :

1 “le Chef de l’Etat” (§ 4),
2 “le Président Ouattara” (§ 5),
3 “le n°1 ivoirien” (§ 5),
4 “le Président ivoirien” (§ 7)
5 “son” (§ 7).

Parce qu’elles se substituent à “le Président de la République, Alassane Ouattara”, ces cinq expressions sont appelées sont des substituts. Ces substituts se répartissent en trois catégories :

La première catégorie a pour substitut “le Président Ouattara” ; elle procède par réduction. Elle consiste à réduire la formulation première, “le Président de la République, Alassane Ouattara”, à sa plus simple expression. L’expression de départ étant constitué de deux syntagmes nominaux, chaque syntagme va être réduit au maximum. Ainsi le syntagme “le Président de la République” va être ramené à son terme de tête, le terme déterminé qui est “le Président” ; pour sa part, le syntagme “Alassane Ouattara ” dont la tête est “Ouattara” sera ramené à ce terme. Le résultat de la réduction est “le Président Ouattara”.

La deuxième catégorie procède par requalification. Elle comprend trois substituts : “le Chef de l’Etat”, “ le n°1 ivoirien ” et “le Président ivoirien ”. Le substitut “le Chef de l’Etat” est un autre attribut du Président de la République en Côte d’Ivoire. Le terme “n° 1”, terme de tête du syntagme “l e n°1 ivoirien” est une requalification de Président ou de Chef de l’Etat. Le terme “ivoirien” des syntagmes “le n°1 ivoirien” et “le Président ivoirien” qualifie le personnage par la référence au pays où “le Président de la République, Alassane Ouattara” exerce sa fonction de Président.

La troisième et dernière catégorie est celle d’un outil spécialisé dans la fonction de substitution. Dans l’article, cet outil a pris la forme de “ son ”. Sans le substitut “son” le syntagme “son ministre” serait “le ministre du Président de la République, Alassane Ouattara”. “Son&rdquo ; est donc bien le substitut de l’expression de départ. Mais à la différence des substituts des catégories précédentes qui ne sont substituts qu’occasionnellement, “son” est un substitut professionnel, conçu spécialement et uniquement pour servir de substitut à un nom, d’où sa désignation de pronom, traduction du latin pronomen ‘mis pour le nom’.

2. Le pronom et ses formes

En tant que substitut professionnel, le pronom est, par essence, unique : il n’y a pas des pronoms mais un pronom. Mais comme il est souvent sensible non seulement au genre et au pluriel mais aussi aux fonctions syntaxiques du nom et qu’il traduit cette sensibilité dans sa forme, le pronom se présente sous plusieurs formes. En voici un exemple dans cette deuxième des six strophes du poème de Victor Hugo intitulé Fonction du poète :

1 Le poète en des jours impies
2 Vient préparer des jours meilleurs.
3 Il est l’homme des utopies
4 Les pieds ici, les yeux ailleurs.
5 C’est lui qui sur toutes les têtes,
6 En tout temps, pareil aux prophètes,
7 Dans sa main, où tout peut tenir,
8 Doit, qu’on l’insulte ou qu’on le loue,
9 Comme une torche qu’ il secoue,
10 Faire flamboyer l’avenir.

Pour ses reprises “le poète” (vers 1) a pour substitut IL. IL prend les formes “il” (vers 3 et 9) en fonction sujet, “le” (vers 8) en fonction objet, “lui” (vers 5) en situation d’emphase et “sa” (vers 7) en fonction de déterminant. IL aurait pu prendre la forme “elle” et “la” si le nom substitué était du genre féminin. En somme, “il”, “le”, “lui” et “sa” ou éventuellement “elle” et “la” ne sont pas des pronoms distincts mais des formes du même pronom, IL.

3. IL, un pronom personnel ?

Il existe des outils (expressions lexicales ou unités grammaticales) qui, dans le discours, servent à identifier le référent du nom soit par description (“qui”, (“dont”) soit par monstration (“celui”), soit par questionnement (“qui ?”, (“lequel ?”). Ces outils sont abusivement appelés pronoms alors qu’ils ne sont pas (“mis pour le nom” : ils sont dits pronoms relatifs, démonstratifs ou interrogatifs. Pour le différencier de ce type d’outils du discours, on a baptisé IL (“pronom personnel”) .

Une autre raison qui justifie, la présence du terme ‘personnel’ dans cette appellation traditionnelle, vient de l’association de IL, JE et TU dans un même paradigme, bien que JE et TU ne soient pas des substituts de noms évoqués antérieurement dans le discours. En effet, JE et TU sont des noms instantanés que se donnent deux interlocuteurs au moment en plein échange. Celui qui parle s’appelle JE au moment où il parle et, dans le même moment l’autre prend le nom de TU. Ces noms de baptême instantanés s’inversent lorsque l’interlocuteur qui écoutait jusque là prend la parole à son tour tandis que celui qui parlait devient l’auditeur. Comme on voit, l’existence de JE et TU ne dure que l’instant de l’interlocution. Ce sont donc des allocutifs et non des pronoms. Ils n’ont pas à figurer dans un paradigme avec le pronom IL.

IL n’a donc pas besoin d’être qualifié de ‘personnel’ pour se distinguer des relatifs et autres démonstratifs ; il n’a pas non plus besoin de cette qualification pour mériter une place au sein du paradigme JE-TU parce qu’il n’a rien à voir dans ce paradigme.

Notons que pour avoir introduit IL dans le même paradigme JE-TU, la grammaire traditionnelle et, à sa suite, la linguistique moderne ont créé un débat inutile dont s’est fait l’écho le grand linguiste Emile Benveniste qui a traité IL de « non-personne » (Problèmes de linguistique générale, Gallimard, 1966, ch. XX “La nature des pronoms” 251-257). Ce faisant, il exclut IL de la situation d’énonciation, domaine de JE et TU, ce qui est juste, mais il continue de le maintenir dans le faux paradigme JE-TU-IL.

Conclusion

Dans un discours, s’il y a un besoin de mentionner plusieurs fois un nom, celui-ci ne doit pas être répété. Il doit être repris par un substitut. Il y a plusieurs genres de substituts. Le substitut spécialement conçu pour reprendre le nom est appelé pronom. Le pronom peut adapter sa forme à la fonction syntaxique ou morphosyntaxique assumée, au genre et au nombre du nom substitué. On n’aura pas pour autant plusieurs pronoms mais un pronom avec plusieurs formes.

dimanche 12 août 2012

Initiation à la grammaire tem Chapitre 3 : Le nom Leçon 7 : Les propriétés du marqueur de pluriel

Les marqueurs de genre sont des unités discrètes. Ils permettent de distinguer des genres tout aussi discrets. Le marqueur de pluriel, quant à lui, est une unité discrète mais unique. Au moment de se substituer à un marqueur de genre, il prend un aspect particulier de façon à permettre de reconnaître le genre du substantif dont il chasse l’indicateur de genre. Soit x tout marqueur de genre et y le marqueur de pluriel. Les quatre marqueurs de genre du tem peuvent donc être représentés ainsi : ‹x1›, ‹x2›, ‹x3› et ‹x4›. Unique, le marqueur de pluriel n’offrent que des formes qui varient d’un genre à l’autre, soit [y de x1], [y de x2], [y de x3] et [y de x4]. Présenter les propriétés du marqueur de pluriel revient donc à présenter les propriétés des formes de ce marqueur.

Outre les quatre formes, substituts des quatre marqueurs de genre, il y une forme spécifique aux noms dépourvus de marqueur de genre et une autre, elle aussi spécifique, pour les noms désignant des êtres denses. Voici donc les six formes.

1. La forme [Hba], substitut de /ʋ/

La forme qui représente le marqueur de pluriel dans le genre humain est [Hba]. Substitut du marqueur /ʋ/, il est un suffixe. Son schème CV est doté d’un accent flottant invariable. Le schème du radical qui l’accueille peut être ouvert (à finale V) ou fermé (à finale C).

En présence d’un schème ouvert, la voyelle du radical affaiblit /b/ du suffixe en le transformant en [w]. C’est pourquoi /sɔ-Hba/ ‘chacals’, /ɖʋ-Hba/ ‘pythons’ et /yu-Hba/ ‘souris, pl.’ sont réalisés respectivement sôwa (ô pour ɔ accentué), ɖûwa (û pour ʋ accentué) et yúwa. Si la voyelle du radical est [ɩ] ou [i], la forme [w] de la consonne suffixale se transforme en [y]. C’est pourquoi /bi-Hba/ ‘enfants’ est réalisé bíya.

En présence d’un schème de radical fermé, le C fermant se fait audible, soit grâce à une voyelle de soutien, soit sans soutien.

S’il sollicite un soutien vocalique, celui-ci peut lui venir soit d’une copie de la voyelle de [Hba] soit d’une copie de la voyelle du radical. Si le soutien vient du marqueur, le schème /CVC-Hba/ devient /CVC-aHba/ soit /CVC-ába/. Pris en sandwich entre deux voyelles de même timbre, /b/ s’affaiblit et, pire, perd sa propriété d’obstacle, ce qui le fait disparaître : /CVC-ába/ est réalisé alors [CVC-áa]. Ainsi /a-l-Hba/ ‘femmes, femelles’, /ʋ-ɖ-Hba/ ‘personnes’, /wol-Hba/ ‘souris, pl.’, /nyaw-Hba/ ‘guibs harnachés’ et /ɖom-Hba/ ‘serpents’ se réalisent respectivement aláa, ɩráa, woláa, nyawáa et ɖomáa. Si, en revanche, le soutien vient du radical, on aura alors /CVC-Hba/ qui deviendra /CV1CV1-Hba/. Dans ce cas si V1 est un timbre différent de [a] de /Hba/, il se contentera d’affaiblir l’obstacle de /b/ ; aussi /CV1CV1-Hba/ se réalisera-t-il [CV1CV1-Hwa]. L’unique exemple attesté est celui de /ʋ-fel-Hba/ ‘sorciers’ réalisé ivéléwa.

Pour que la consonne fermante du radical se passe de soutien il faut qu’elle soit suffisamment sonante pour se constituer syllabe ; la consonne qui se prête à ce jeu est [m]. Il est en mesure d’accueillir l’accent flottant du suffixe. Le schème /CVm-Hba/ devient alors /CVḿba/. Par assimilation nasale, la séquence /mb/ devient /mm/. La gémination consonantique étant interdite, /mm/ se réduit à [m]. Le schème de mot /CVm-Hba/ se réalise [CVma] au plan segmental. Normalement, l’accent porté par [m] devrait se glisser sur [a] qui fait noyau syllabique de [m]. Or la règle veut que l’accent flottant de /Hba/ ne varie pas de position, ce qui signifie qu’il ne peut se poser sur ni sur la séquence -ba- ni sur la voyelle de cette séquence. Deux éventualités se présentent : l’une déporte l’accent sur la voyelle du radical, ainsi /CVm-Hba/ se réalise [CVHma]. C’est le cas de /ʋ-kpam-Hba/ ‘chasseurs’ réalisé ɩgbáma ; l’autre interdit à l’accent de se fixer. C’est le cas de /ʋ-kɔm-Hba/ ‘étrangers’ réalisé ʋgɔma.

On note qu’avec les noms de type relationnels (noms de parenté notamment), entre le schème de radical et le marqueur de pluriel s’intercale un dérivatif, /na/. Etant lui-même de schème ouvert, le dérivatif rend le schème du radical ouvert, qu’il ait été ouvert ou fermé au départ. Ainsi, /CV(C)-na-Hba/ se réalise [CV(C)-náa]. C’est sur ce modèle que sont construits les noms /caa-na-Hba/ ‘pères’, /kɔɔ-na-Hba/ ‘mères’ et /ɖɛɛl-na-Hba/ ‘épouses’ réalisés respectivement caanáa, kɔɔnáa et ɖɛɛlnáa.

2. La forme [aH], substitut de /ɖ/

La forme qui représente le marqueur de pluriel dans le genre dérivé est [aH]. Substitut du marqueur /ɖ/, il a pour schème phonématique V qui porte l’accent de suffixe. Le schème de radical qui l’accueil peut être ouvert ou fermé.

En présence d’un schème de radical ouvert, le V suffixal étant accentué, il se produit une coalescence entre les deux voyelles en contact : la voyelle résultante reçoit du [a] suffixal sa propriété majeure qui est +Ouv ; la voyelle du radical fournit, quant à elle, le reste des propriétés nécessaires à une voyelle tem, à savoir les propriétés Ro et ATR. C’est pourquoi les substantifs /wɩ-aH/ ‘jours’, /bʋ-aH/ ‘cailloux’, /tɩmɛ-aH/ ‘travaux’, /te-aH/ ‘phacochères’ et /yu-aH/ ‘cuisses’ se réalisent respectivement (ê pour ɛ accentué), , tɩmê, et yó.

Face à un schème de radical fermé, le V du suffixe sert de noyau syllabique à la consonne fermante du radical. Voilà pourquoi /ɩ-s-aH/ ‘yeux’, /fol-aH/ ‘nerfs’, /yɩr-aH/ ‘noms’ et /tɔn-aH/ ‘peaux’ sont réalisés respectivement ɩzá, folá, yɩrá et tɔná.

En principe, quand le marqueur de genre prend le radical en accolade, la forme du marqueur de pluriel qui lui correspond ne se substitue qu’à sa partie suffixée. Autrement dit, si le marqueur de genre embrassant est x3 par exemple, le substantif /x3’-Rad-x3/ devient au pluriel /x3’-Rad-y de x3/. Mais si le marqueur de genre embrassant es /ɖ/, le marqueur de pluriel qui lui correspond, /aH/, se substitue à la fois à la forme suffixée et à la forme préfixée. Autrement dit au pluriel, /ɖ-Rad-Hɖ/ɖH/ devient /a-Rad-aH/. C’est la raison des constructions /a-bar-aH/ ‘ruades’ et /a-ŋmal-aH/ ‘charbons’, pluriels de /ɖ-bar-ɖH/ et /ɖ-ŋmal-Hɖ/ respectivement, constructions réalisées respectivement abará et aŋmalá.

Qu’il s’agisse de la construction /x3’-Rad-x3/ ou de sa forme pluriel /x3’-Rad-y de x3/ seul le suffixe (x3 ou y de x3) est accompagné d’accent.

Mais il arrive qu’entre le suffixe et le préfixe l’accompagnement d’accent soit inversé. Toutefois, quand c’est le préfixe qui prend en charge l’accent, il ne peut être que flottant, quel que soit le positionnement choisi par la forme du marqueur au départ. Ainsi le positionnement « accent fixé par a » de [Ha] valable pour le suffixe ne l’est plus pour le préfixe. Ici, l’accent doit être flottant ; comme il doit flotter du côté du radical, le préfixe sera noté [aH], mais avec le sens que H doit se fixer sur le radical. Cette inversion des rôles n’est attestée qu’une fois dans nos données : /aH-fow-a/ ‘pigeons’ réalisé avówa.

Il arrive aussi qu’il y ait hésitation sur la partie du marqueur embrassant qui doit être dotée de l’accent (suffixe ? préfixe ?) ; dans ce cas aucune des parties ne bénéficie d’un accompagnement de l’accent. C’est le cas des substantifs /a-cim-a/ ‘fous’, /a-kʋm-a/ ‘massues’ réalisés respectivement ajima et agʋma.

3. La forme [Hs], substitut de /ka/

La forme qui représente le marqueur de pluriel dans le genre menu est [Hs]. Substitut du marqueur /ka/, il est un suffixe. Son schème C est accompagné d’un accent invariablement flottant à gauche. Sa consonne /s/ est soutenue, dans sa réalisation, par une voyelle épenthétique, [ɩ]. Lors de sa suffixation, il est mis en contact avec un radical à schème ouvert ou fermé.

Si un schème de radical ouvert a pu fonctionner en l’état avec /ka/ (cas de /bu/ de buwá ‘cours d’eau’), en présence de [Hs] il doit se transformer en CVC, avec [w] pour C fermant. Ainsi le schème CV transformé en CVw pour la circonstance gagne le statut d’un schème CVw primitif, donc avec un [w] audible. Pour rendre [w] audible il revient en principe au suffixe de fournir le soutien vocalique nécessaire. Mais la porosité de [w] permet à la voyelle du radical d’être plus prompte à pourvoir ce soutien. Au lieu de *CVwɩ, on a donc CV1wV1. Pris en sandwich par la même voyelle, [w] perd sa propriété d’obstacle et tombe et CV1wV1 devient CV1V1. La séquence -V1V1- se comporte comme une voyelle unique identifiée à la voyelle radicale au contact de laquelle la consonne suffixale s’affaiblit en [z] : /CV1V1-Hs/ se réalise [CV1V1Hzɩ]. C’est ainsi que /buw-Hs/ ‘cours d’eau, pl.’, /ɖaw-Hs/ ‘bâtons’, /faw-Hs/ ‘chiens’, /taw-Hs/ ‘cours de maison’ et /liw-Hs/ ‘francolins’ se réalisent búúzi, ɖáázɩ, fáázɩ, táázɩ et líízi, respectivement.

Une consonne nasale cohabite mieux avec une occlusive qu’avec une constrictive. Si la consonne fermante est une nasale coronale, donc [n], elle est remplacée par [w] pour ne pas avoir à cohabiter avec /s/ du suffixe. De CVn le schème de radical devient alors CVw pour accueillir [Hs]. Si /ban-Hs/ ‘cous’ se réalise báázɩ c’est parce qu’il après s’est préalablement transformé en /baw-Hs/. On a aussi /ka-tan-Hs/ ‘gifles’ qui se réalise kadáázɩ après sa transformation en /ka-taw-Hs/.

On sait que pour se rendre audible, la consonne fermante du schème de radical requiert une voyelle de soutien. Celle-ci lui vient de trois sources possibles : 1) elle peut être [a] occasionné par la suffixation de /ka/. En effet, un schème /CVC-ka/ devient /CV-Ca-ka/ après copie de [a] de /ka/ au profit de la consonne fermante. Le nouveau schème CVCa demeure au moment de suffixer [Hs], ce qui donne /CVCa-Hs/. 2) elle peut être une copie de la voyelle radicale ; dans ce cas, le schème radical passe de CVC à CV1CV1 et le schème de nom résultant est / CV1CV1-Hs/. 3) elle peut être une copie de la voyelle suffixale. Mais la forme [Hs] du marqueur de pluriel n’est pas prêteuse. Dans les deux cas attestés, la voyelle de soutien est incapable de voiser /s/ du suffixe. Exemples illustrant le premier cas : les radicaux /tɩn/ de /tɩn-kaH/ ‘bassin’, /fen/ de /fen-kaH/ ‘lune’, /bir/ de /bir-Hɩ/ ‘devenir noir’ et /wul/ de /wul-Hɩ/ ‘faire le you-you’ deviennent respectivement, /tɩna/, /fena/, /biri/ et /wulu/ avant d’entrer dans les constructions respectives suivantes : /tɩna-Hs/ ‘bassins’, /fena-Hs/ ‘lunes’, /ka-ɩ-biri-Hs/ ‘souris grises’ et /ka-wulu-Hs/ ‘you-yous’ réalisés respectivement tɩnásɩ, fenásɩ, kéébírísi et kowulúsi.

Il arrive au marqueur de genre /ka/ de ne pas tomber au moment de laisser la place à son substitut pluriel. Il subit alors la concaténation de celui-ci après avoir cessé d’indiquer le genre et s’être transformé en une sorte de segment fossile attaché au radical. Sa voyelle, bien qu’elle rend ouvert le schème du radical, est incapable de voiser la consonne suffixale : /ka-liC-kaH/ (keliká) ‘billon’ devient au pluriel /ka-liCka-Hs/ ‘billons’ réalisé kelikásɩ.

Identifiable ou non, si une consonne fermante qui choisit d’être muette sert de bouclier à /s/ contre l’influence de la voyelle radicale ; /s/ se réalise alors fort : /wɩl-Hs/ ‘soleil’, /yiC-Hs/ ‘calebasses’ et /ka-bir-Hs/ ‘singes à robe noire’ se réalisent respectivement wîsɩ (î pour ɩ accentué), yísi, et kebísi.

4. La forme [Ht], substitut de /k/

La forme qui représente le marqueur de pluriel dans le genre neutre est [Ht]. Substitut du marqueur /k/, il est un suffixe. Son schème C est accompagné d’un accent invariablement flottant à gauche. Sa consonne /t/ est soutenue, dans sa réalisation, par une voyelle épenthétique, [ɩ]. Il se suffixe à un schème de radical qui peut être ouvert ou fermé. Sous l’influence d’une voyelle /t/ se réalise [d] ou [n].

La forme [Ht] du pluriel ne tolère que le schème fermé pour le radical. Aussi, si un schème ouvert a pu fonctionner en l’état avec /k/ (cas de /lo/ de lowú ‘gorge’), avec [Ht] doit-il se transformer en CVC, avec [w] pour C fermant. Ainsi le schème CV devient ainsi CVw. La consonne [w] tenant à être audible, elle reçoit une copie de la voyelle radicale en soutien. CVw devient alors CV1wV1 qui devient à son tour CV1V1 selon un processus vu plus haut. Le contexte CV1V1 des radicaux anciennement CV oblige /t/ de [Ht] à se réaliser [n] : à partir des anciens radicaux /lo/ et /su/ devenus /low/ et /suw/ on a /low-Ht/ ‘gorges’ et /suw-Ht/ ‘pintades’ réalisés lóóni et súúni respectivement.

Si le schème de radical est, au départ fermé, et que la consonne fermante est [w], Comme ci-dessus, c’est la voyelle du radical qui fournit la copie pour soutenir l’audibilité de [w]. Selon un processus désormais connu, le schème du radical devient CV1V1, ce qui expose la consonne /t/ du suffixe à l’influence affaiblissante de la voyelle radicale. Aussi le schème /CVw-Ht/ se réalise-t-il [CV1V1nɩ] ou [CV1V1dɩ] sans prévisibilité. C’est ainsi que /baw-Ht/ ‘palmiers’ et /faw-Ht/ ‘feuilles’ se réalisent, respectivement, báánɩ et fáádɩ.

Si la consonne fermante audible n’est pas [w], c’est la voyelle suffixale qui fournit de quoi assurer l’audibilité de la fermante. Ainsi /CVC-Htɩ/ devient /CV-Cɩ-tɩ/, lequel se réalise [CVCɩnɩ]. Les noms sʋlînɩ ‘arbres de néré’, kelíni ‘ailes’ et bɔɔrînɩ ‘écorces’ ont pour structure de base /sʋl-Ht/, /kel-Ht/ et /bɔɔr-Ht/, respectivement.

Si la consonne fermante du schème CVC de radical reste muette, la consonne /t/ de /Ht/ trouve en elle un bouclier contre l’influence de la voyelle radicale et se réalise [t] : /bɔɖ-Ht/ ‘moustiques’ /sʋl-Ht/ ‘farine de néré’, /cɛw-Ht/ ‘déchets mâchés’ et /loC-Ht/ ‘dartres’ sont réalisés bôtɩ, sûtɩ, cêtɩ et lóti, respectivement.

5. La forme [waH]

Les formes [Hba], [aH], [Hs] et [Ht] du marqueur de pluriel sont comme des guides habillés chacun d’un uniforme propre à faire reconnaître les lieux respectifs qu’ils indiquent. Comparativement, la forme [wa], elle, est sans uniforme. Elle est faite pour s’associer à un radical quel que soit le genre auquel il appartient. A titre d’exemple, le nom lákʋtaɁ. Il désigne aussi bien l’agent de santé que le local où l’on prodigue les soins médicaux. Du point de vue des propriétés sémantiques il y a deux lákʋtaɁ, celui qui possède la propriété «humain» et celui qui en est dépourvu. Ce qui les range dans des genres différents, le genre humain pour l’un et le genre neutre pour l’autre. Malgré cela chacun reçoit au pluriel la forme [waH] : lákʋtawáɁ désigne, selon les contextes, les agents de santé ou les centres de santé.

Les noms affixés par [waH] au pluriel ont en commun d’être dépourvus de marqueurs de genre et de ne présenter que leur radical, lequel est reçu par un coup de glotte qui exprime une absence, celle d’un indicateur de genre. Lors de la suffixation de [waH] le coup de glotte se déplace vers la fin : lákʋtaɁ puis lákʋtawáɁ.

Pour être un nom dépourvu de marqueur de genre il faut être soit un emprunt non-intégré, soit un nom individuel pouvant être porté par plusieurs individus (ce qui exclut les toponymes et les ethnonymes), soit un titre social.

Au titre des emprunts il y a des noms de métiers tels que alikisánɁ ‘boucher’ qui devient au pluriel alikisánwáɁ, tîîlaɁ ‘tailleur’ qui a pour pluriel tîîlawáɁ ; il a aussi des noms d’objets tels que tókoɁ ‘chemise’ et cɛɛcêɁ ‘bicyclette’ dont les pluriels respectifs sont tókowáɁ et cɛɛcêwáɁ.

L’on peut illustrer les patronymes par ÁbuɖuɁ ‘nom masculin d’origine arabe’ et SamáɁ tous deux noms pour homme, pluralisés respectivement en ÁbuɖuwáɁ ‘les Aboudou’ et SamáwáɁ ‘les Sama’ ; MaaríiɁ ‘nom féminin chrétien’ a pour pluriel MaaríiwáɁ ‘les Marie’.

Quant aux titres sociaux on peut citer WúroɁ ‘roi’, AlaáziɁ ‘el hadj’, alfáaɁ ‘marabout’ qui ont pour pluriel WúrowáɁ, AlaáziwáɁ et alfáawáɁ.

6. La forme [Hb]

Le dense est un pluriel extrême. C’est pourquoi l’on se sert du marqueur de pluriel pour l’exprimer. Soit la construction /sʋl-Ht/ ; elle peut, grâce à [Ht], exprimer le pluriel ou le dense. Le procédé de différenciation entre le nom qui désigne l’objet discret au pluriel et l’objet dense ne dépend pas du marqueur ; il est effectué sur le schème de radical où l’on joue sur l’audibilité ou le mutisme de la consonne fermante. En version audibilité de [l] /sʋl/ on a le nom pluriel sʋlînɩ qui désigne les/des arbres ; en version mutisme de [l], on a le nom dense sûtɩ qui désigne la farine jaune et sucrée du néré. Même si le jeu sur la consonne fermante est impossible (cas de [w] qui est invariablement audible), on a deux homophones qui représentent l’un le discret au pluriel et l’autre le dense. C’est le cas de /tʋw-Ht/ qui se réalise tûûnɩ pour désigner aussi bien les/des abeilles que du miel.

Ce double rôle du substitut du marqueur de genre n’est possible que si l’objet dense est le sous-produit d’un objet discret. Or il existe des êtres dont la propriété dense n’apparaît pas comme acquise à partir du discret. Pour ces êtres il a été conçu une forme du marqueur de pluriel, en l’occurrence [Hb].

A la différence des formes de pluriel qui acceptent le schème de radical ouvert ou fermé, ou le schème fermé exclusivement, [Hb] exige le schème ouvert de manière exclusive. Cette exigence met /b/ de [Hb] en contact direct avec la voyelle radicale et l’expose ainsi à l’influence. Sous cette influence affaiblissante, /b/ a le choix entre la forme faible [w] et la forme faible [m]. C’est cette dernière qui est choisie. C’est pourquoi on a /ba-Hb/ ‘vin de palme’, /lɩ-Hb/ ‘eau’, /tɩ-Hb/ ‘poudre à canon’ réalisés, respectivement bám, lîm et tîm.

mercredi 1 août 2012

Initiation à la grammaire tem Chapitre 3 : Le nom Leçon 6 : Les propriétés du marqueur de genre

Le nom commun tem est composé au minimum d’un radical et d’un affixe. L’affixe représente deux sortes de marqueur : un marqueur de genre et un marqueur de pluriel. Le marqueur de genre présente quatre propriétés : son schème phonématique, son schème accentuel, sa position par rapport au radical et sa sensibilité par rapport au contexte d’insertion.

1. Le schème phonématique

Les quatre marqueurs de genre s’expriment à travers trois schèmes phonématiques : le schème V, le schème CV et le schème C. Les schèmes V et CV sont représentés, chacun, par un marqueur de genre. Le schème C, quant à lui, est représenté par deux marqueurs de genre.

En structure de base, comme le montrent les schèmes de marqueurs, on peut trouver des structures à syllabe finale ouverte (finissant par V) ou à syllabe finale fermée (VC). En structure de surface la langue reformate la structure de base afin de la transformer en structure à syllabes ouvertes exclusivement. Un radical de schème CV par exemple peut accueillir un marqueur de schème C. La structure /CVC/ qui en découle est acceptable comme structure de base. Mais en réalisation de surface, /CVC/ doit devenir [CVCV]. Au stade de la réalisation le schème C du marqueur se voit attribuer une voyelle épenthétique. Les deux marqueurs de schème C sont /ɖ/ et /k/. Au marqueur /ɖ/ il est affecté la voyelle de soutien [ɛ] et au marqueur /k/, la voyelle de soutien [ʋ]. En surface donc, les marqueurs /ɖ/ et /k/ deviennent [ɖɛ] et [kʋ], respectivement. Les voyelles [ɛ] et [ʋ] sont des soutiens apportées à la forme suffixée. En position de préfixe la voyelle de soutien est unique pour les deux marqueurs ; elle est [ɩ]. Donc en préfixe et en surface /ɖ/ et /k/ deviennent [ɖɩ] et [kɩ], respectivement.

Les quatre marqueurs sont donc, schème V : /ʋ/ du genre humain, schème CV : /ka/ du genre menu, schème C : /ɖ/ du genre dérivé et /k/ du genre neutre. Ces deux derniers ont une forme de surface différente de celle de base : ils sont réalisés [ɖɩ] et [kɩ] en position de préfixe et [ɖɛ] et [kʋ] en position de suffixe.

2. Le schème accentuel

Le corps du marqueur n’est pas fait que de schème phonématique. Celui-ci est associé à un accent. Le marqueur est la seule unité morphologique à être dotée d’accent. C’est donc lui qui apporte l’accent au nom commun où il est présent.

L’accent se manifeste sous quatre formes : la syllabe accentuée peut durer plus longtemps, peut être plus intense, elle peut avoir un niveau mélodique plus élevé, sa voyelle gagne en clarté de timbre. Chaque langue accentuelle valorise seulement une de ces formes de manifestation, les autres formes restant en latence. Le tem a choisi de valoriser la forme mélodique de l’accent. Aussi la syllabe accentuée tem a-t-elle le niveau mélodique d’un ton haut dans une langue à deux tons, le haut et le bas. Du coup, dans un mot où une syllabe accentuée cohabite avec une autre non accentuée, le niveau de celle-ci, par contraste, ressemble fort à celui d’une syllabe à ton bas d’une langue à deux tons.

L’accent a deux positions au choix par rapport au schème phonématique : soit il est fixé sur le schème du marqueur (il est alors représenté par H place à droite du schème phonématique du marqueur), soit il flotte, mais du côté du radical, donc à gauche puisque le marqueur ne peut être doté d’accent que s’il est en position de suffixe (il est alors représenté par H à gauche du schème phonématique du marqueur). Les marqueurs se présentent donc soit /ʋH/, /kaH/, /ɖH/ et /kH/, soit /Hʋ/, / Hka/, /Hɖ/ et /Hk/. Le positionnement de l’accent par rapport au schème phonématique du marqueur n’est pas prévisible. Mais quand il adopte une position face à un radical nominal, elle reste invariable.

3. La position par rapport au radical

Dans une langue à genres, le marqueur de genre est intimement associé au radical. Dans les langues à genres Niger-Congo il est soit exclusivement préfixé (cas des langues bantu) ou exclusivement suffixé (cas des langues ouest-atlantiques). En Gur la suffixation est la règle et le tem, langue Gurunsi, n’y déroge pas. Le marqueur de genre tem est donc un suffixe, exclusivement.

Le radical du nom commun peut être d’origine substantival ou verbal. Quand il est substantival, la position réglementaire est celle de suffixe. Soit Rad pour radical et x pour marqueur de genre. Avec un radical de substantif on aura la forme /Rad-x/. Mais quand il est d’une origine verbale, le marqueur de genre a tendance à l’embrasser pour confirmer sa prise par des marqueurs de substantif. Pour cela x se dédouble en x et x’ et prend le radical en accolade, ce qui donne la forme /x’-Rad-x/ au déverbal.

Les cas les plus fréquents d’accolade sont ceux où Rad est, à l’origine, un radical d’infinitif. L’infinitif est fait d’un radical verbal et d’un marqueur d’infinitif, on peut le schématiser en /Rad-z/ où z représente un marqueur d’infinitif. Soit l’infinitif /bɩr-Hɩ/ ‘verser, déverser’ réalisé bɩrίɩ. Pour dériver un substantif à partir du radical verbal /bɩr/, on lui affectera un marqueur de genre (x) à la place de son marqueur d’infinitif (z) et, au besoin, x le prendra en sandwich. Le marqueur de genre de service est /ɖ/. Ce marqueur prend en charge /bɩr/ en l’embrassant ; cela donne /ɖ-bɩr-ɖ/ qui signifie ‘jet de boisson versé par terre à l’intention des ancêtres’. Cette forme de base devient /ɖɩ-bɩr-ɖɛH/ puis se réalise ɖɩbɩɖέ.

4. Le mode d’insertion du marqueur

La suffixation du marqueur se traduit par la mise en contact du radical et du suffixe. Le produit de cette mise en contact tient compte des schèmes phonématiques du radical et du marqueur ainsi que du schème accentuel du marqueur. On examinera successivement le mode d’insertion des marqueurs en commençant par le plus simple, celui de schème V.

4.1. Le marqueur de genre /ʋ/

Si le schème du radical est fermé par C, le marqueur /ʋ/ se présente soit avec son accent fixé sur lui-même (/ʋH/), soit avec l’accent flottant (/Hʋ/). Dans le premier cas on a /yom-ʋH/ ‘esclave’, /nyaw-ʋH/ ‘guib harnaché’, /wol-ʋH/ ‘souris’, /faɖ-ʋH/ ‘cultivateur’, réalisés yoḿ, nyawύ, wolú et faɖύ, respectivement. Dans le second cas on /ʋ-kpam-Hʋ/ ‘chasseur professionnel’, /ʋ-fel-Hʋ/ ‘sorcier’ réalisés respectivement ɩgbám et ivéléu.

Si le schème du radical est ouvert par V, le marqueur se présente avec l’accent fixé sur lui (/ʋH/) ou flottant à sa gauche (/Hʋ/).

Dans le premier cas, les deux voyelles en contact (celle du marqueur et celle du radical) se coalisent selon le principe suivant : la voyelle du radical impose sa propriété ATR tandis que la voyelle du marqueur fournit les propriétés restantes, à savoir Ouv et Ro. C’est le cas dans /bi-ʋH/ ‘enfant’. La voyelle [i] du radical est +ATR, donc la voyelle résultant de la coalescence doit être +ATR. La voyelle [ʋ] est –Ouv et +Ro, donc la voyelle résultante, outre la propriété +ATR, doit avoir les propriétés –Ouv et +Ro. Cette voyelle n’est autre que [u]. C’est pourquoi /bi-ʋH/ se réalise .

Dans le second cas (flottaison de l’accent à gauche), l’accent se fixe sur la voyelle du radical. C’est ainsi qu’on a /yu-Hʋ/ ‘rat’, /tʋ-Hʋ/ ‘abeille’, /na-Hʋ/ ‘bovin’, /fe-Hʋ/ ‘ovin’, /sɔ-Hʋ/ ‘chacal’, réalisés yúu, tύʋ, náʋ, féu, sôʋ (ô pour ɔ accentué), respectivement. Parfois, si la propriété Ouv de la voyelle du radical est différente de celle de /ʋ/, c’est-à-dire si la voyelle du radicale est +Ouv (a, ɔ, ɛ, e, o), la voyelle du marqueur se laisse assimiler. C’est pourquoi on entend fée et sôɔ plus souvent que féu et sôʋ.

4.2. Le marqueur de genre /ɖ/

Le marqueur /ɖ/ se présente avec l’accent fixé sur lui (/ɖH/) ou flottant à gauche (/Hɖ/). Face au radical, quel que soit le schème de celui-ci, le marqueur se présente plus souvent avec un accent flottant.

On trouve rarement un radical de schème CV pour /ɖ/. Parmi les occurrences relevées il y a /wɩ-Hɖ/ ‘jour’ réalisé wίrɛ, /ɖ-ko-ɖɛH/ ‘vestibule’ réalisé ɖugoré et /ɖ-kɛ-ɖɛH/ ‘herbe, sp.’ réalisé ɖɩgɛrέ. Le schème de radical le plus fréquent face au suffixe /ɖ/ est donc CVC.

Le C fermant du radical CVC peut être [r]. Dans ce cas, [r] étant une variante de la consonne /ɖ/, on assiste à une gémination. En tem, une gémination consonantique se réduit, au niveau de la réalisation à une consonne simple (-C1C1- se réalise -C1-). Aussi le complexe /rɖ/ se réduit-il à [ɖ]. C’est le cas dans /yɩr-Hɖ/ ‘nom’, /nyar-Hɖ/ ‘aulacode’, /tar-Hɖ/ ‘palme de raphia’ réalisés respectivement yίɖɛ, nyέɖɛ, tέɖɛ. C’est le suffixe /a/, substitut de /ɖ/ au pluriel, qui révèle la présence de la fermante [r] ; en effet, au pluriel yίɖɛ devient yɩrá (/yɩr-aH/), nyέɖɛ devient nyará (/nyar-aH/).

Le C fermant du radical CVC peut être [l]. Dans ce cas la consonne du marqueur est assimilée par la fermante du radical. On aboutit à la gémination /ll/ qui se résout en [l]. C’est le cas de /yɩl-Hɖ/ ‘sein’, /fol-Hɖ/ ‘nerf’, /kal-Hɖ/ ‘dent’, /yal-Hɖ/ ‘œuf’ réalisés respectivement yίlɛ, fóle, kéle et yέlɛ. Ici aussi, c’est la forme de pluriel qui révèle la consonne fermante : yɩlá ‘seins’, folá ‘nerfs’, kalá ‘dents’ et yalá ‘œufs’.

Le C fermant du radical CVC peut être [n]. Dans ce cas [n] se transforme en propriété nasale au profit de la voyelle du radical qu’elle suit immédiatement. Pour des raisons de commodité à la place d’une voyelle portant un tilde, on écrira cette voyelle suivie de n. Citons l’exemple de /tɔn-Hɖ/ ‘peau’, /sɔwɔn-Hɖ/ ‘haricot’, /ɖ-kɛwɛn-Hɖ/ ‘haricot vert’ réalisés respectivement tônɖɛ, sɔônɖɛ et ɖɩgɛέnɖɛ. La forme du pluriel restitue la consonne fermante : tɔná ‘peaux’, sɔɔnέ ‘haricots’ et agɛɛnέ ‘haricots verts’.

Si le C fermant du radical CVC est [m], il se maintient seul ou avec le soutien d’une copie de la voyelle voisine. Sans soutien vocalique on a /kom-Hɖ/ ‘fromager’, /tom-Hɖ/ ‘bouton de peau’ et /kawam-Hɖ/ ‘courge’ réalisés koḿre, toḿɖe et kaa ḿrɛ respectivement. La forme de pluriel offre à [m] l’occasion de se réaliser avec le soutien d’une voyelle : komá, tomá et kaamέ dans l’ordre. Quand il y a un soutien vocalique, il est fourni par une copie de la voyelle du suffixe ; c’est le cas de /tɩm-Hɖ/ ‘travail’ qui devient /tɩ-mɛ-Hɖɛ/ avant de se réaliser tɩmέrɛ, de même que /kɩm-Hɖ/ ‘prêt, emprunt’ qui devient /kɩ-mɛ-Hɖɛ/ avant de se réaliser kɩmέrɛ. Au pluriel on a tɩmέ (prononciation de /tɩm-aH/) ‘travaux’ et kɩmέ(prononciation de /kɩm-aH/) ‘prêts, emprunts’.

Le C fermant du radical CVC peut être [w]. Dans ce cas trois possibilités se présentent : soit [w] se maintient sans soutien vocalique, soit [w] fait appel à une voyelle de soutien, soit [w] reste muet. Le cas où [w] reste audible sans soutien vocale est représenté par /sɔw-Hɖ/ ‘piquant’ et /sɔw-Hɖ/ ‘mortier’ réalisés respectivement sɔẃɖɛ et sɔẃrɛ. Quand, pour se rendre audible, [w] fait appel à une voyelle de soutien, sa porosité est telle que c’est la voyelle du radical qui lui fournit sa copie au lieu de celle du suffixe ; ainsi le radical /CVw/ devient /CV1wV1/. Embrassée par la même voyelle, [w] perd sa propriété d’obstacle et tombe. De /CV1wV1/ on aboutit à CV1V1 dont la séquence V1V1 se comporte comme un noyau syllabique unique. Aussi, l’accent flottant qui devait se fixer sur [w] se fixe-t-elle sur chaque élément de la séquence V1V1. C’est le cas de /ɖ-fow-Hɖ/ ‘pigeon’ transformé en /ɖ-fowo-Hɖ/ avant de se réaliser ɖuvóóre (pl. avówa) ou de /ɖ-bow-ɖH/ ‘entrave pour homme (esclave, fou)’ transformé en /ɖ-bowo-ɖH/ avant de se réaliser ɖubooré. Enfin, troisième éventualité, [w] peut se rendre muette. Seule la réalisation forte de /ɖ/ malgré la contiguïté de la voyelle du radical atteste de sa présence. La plupart des infinitifs de schème CVm comme sốm ‘piquer’, tím ‘descendre’, cέm ‘couper’ proposent à leur racine CV un élargissant [w] en vue d’une dérivation déverbale ; ainsi de sốm on tire le radical /sɔw/ attesté dans sɔẃɖɛ ‘piquant’ évoqué ci-dessus. A l’instar de sốm/sɔw, on aura tím/tiw, cέm/cɛw. Dans certains CVw, [w] se rend audible avec ou sans soutien vocalique (cas de sɔẃɖɛ et de ɖuvóóre), mais dans d’autres [w] reste muette : c’est le cas de /ɖ-cɛw-ɖ/ ‘bouchée de pâte’ réalisé ɖɩjɛɖɛ (pl. ajʋwa réalisation de *ajɛwa).

4.3. Le marqueur de genre /ka/

Le suffixe /ka/ se présente avec l’accent fixé sur lui (/kaH/) ou flottant du côté du radical (/ Hka/). Ce que devient le suffixe dépend du schème qui lui propose le radical.

Si le schème du radical finit par V, au contact de ce V, la consonne /k/ du suffixe s’affaiblit en perdant sa propriété d’obstacle. D’occlusive /k/ devient constrictif. Cette constrictive est [y] si V du radical est l’un des timbres suivants : i, ɩ, ʋ, u, ɛ, e et si le marqueur de genre /ka/ embrasse le radical. Exemples : /ka-ti-Hka/ ‘ficus, sp.’ se réalise kedíya, /ka-cɔɔrɩ-ka/ ‘coup de main’ se réalise kɔjɔɔrɩya, /ka-a-lʋrʋ-ka/ ‘femme stérile’ se réalise kaalʋrʋya, /ka-wulu-Hka/ ‘you-you’ se réalise kowulúya, /ka-sɛɛ-ka/ ‘bonus’ se réalise kɛzɛɛya. La constrictive est [w] si V est u et si le radical n’est pas embrassé. Exemple : /bu-kaH/ ‘cours d’eau’ se réalise buwá. La constrictive est encore [w] si V du radical est l’un des timbres suivants : a, ɔ. Exemples : /fa-Hka/ ‘chien’ se réalise fáa dans le parler assoli et fôɔ dans le parler caawʋjɔ, /fɔ-kaH/ ‘champ’ se réalise fɔô.

Si le schème du radical est CVC, la consonne fermante reçoit le soutien d’une copie de la voyelle du marqueur. Ainsi /CVC-ka/ devient /CV-Ca-ka/. Dans ces conditions, la consonne du marqueur perd sa propriété d’obstacle et tombe : /CV-Ca-ka/ se réalise [CVCaa] en assoli ou [CVCɔɔ] en caawʋjɔ actuel. C’est ainsi qu’on a /kol-kaH/ ‘hameçon’ réalisé kolɔô, /fen-ká/ ‘lune’ réalisé fenɔô, /fɔɖ-ká/ ‘herbe rampante, sp.’ réalisé fɔɖɔô et /tɩn-ká/ ‘bassin du corps humain’ réalisé tɩnɔô.

Si le schème du radical est CVn et que le marqueur fixe lui-même son accent la nasale fermante et la consonne du suffixe ont des destins différents comme on l’a vu avec fenɔô et tɩnɔô. Mais si le marqueur ne fixe pas son accent il paraît plus faible et donc plus vulnérable. Dans ces conditions, on assiste plus souvent à une coalescence entre les deux consonnes : /nk/ se réalise alors [ŋ]. Voilà pourquoi /ban-Hka/ ‘cou’ se réalise báŋa, /lon-Hka/ ‘tambour d’aisselle’ se réalise lóŋa, /ka-tɔn-Hka/ ‘rire’ se réalise kɔdôŋa. Toutefois on relève quelques cas de coalescence bien que le marqueur fixe son accent : /ka-lon-kaH/ ‘mur’ réalisé koloŋá, /ka-tan-ká/ ‘gifle’ réalisé kadaŋá.

Si la consonne fermante du CVC du radical est [w], c’est de la voyelle du radical qu’elle reçoit une copie pour son soutien, de sorte que /CV1w/ se transforme en /CV1wV1/. Pris en sandwich par le même timbre vocalique [w] tombe et /CV1wV1/ devient /CV1V1/. C’est dans cet état que le radical se présente devant /ka/. Dans ce contexte la réalisation la réalisation affaiblie de la consonne suffixe /k/ est [y] de préférence celle attendue, [w] si la voyelle radicale est -Ouv (i ɩ ʋ u). C’est ainsi que /cuu-ka/ ‘pluie fine’ se réalise cuuya, /lii-ká/ ‘francolin’ se réalise liiyá.

Fermante, la consonne [w] peut choisir d’être muette. Elle sert alors de bouclier à la consonne du suffixe contre l’influence affaiblissante de la voyelle radicale, ce qui lui permet de se réaliser forte ([k]). C’est de cette façon qu’on a /ka-fɔw-kaH/ ‘champignon’ réalisé kɔvɔká, /ka-tiw-ka/ ‘descente’ réalisé kedika, /ka-cɩw-ka/ ‘taquinerie amoureuse’ réalisé kajɩka. Mais [w] n’est pas la seule consonne fermante à se faire muette. Il y en a qui, grâce à l’origine du radical, sont identifiables. C’est le cas de /ka-bir-Hka/ ‘singe noir, sp.’ réalisé kebika, dont le radical /bir/ vient de l’infinitif biríi ‘devenir noir’. Mais toutes les consonnes muettes ne sont pas identifiables. C’est le cas avec yíka ‘calebasse’ dont la forme de base est /yiC-Hka/, keliká ‘billon’ dont la forme de base est /ka-liC-kaH/, où C représente la consonne fermante non-identifiée.

Avec le substantif de qualification /i-kaH/ ‘petitesse’, la consonne du suffixe se réalise soit [y] soit [k]. Quand /i-kaH/ s’associe à un radical nominal pour constituer avec lui un composé de qualification, il peut avoir affaire à un radical de schème ouvert (CV) ou fermé (CVC). Avec un schème ouvert comme /bi/ ‘enfant’ dans /bi-i-kaH/ ‘tout petit enfant’, la consonne /k/ est affaibli ; il devrait se réaliser alors [w] mais la propriété de palatal du timbre [i] le transforme en une semi-voyelle palatale, d’où la réalisation biiyá de /bi-i-kaH/. Mais avec un schème radical fermé le radical du qualifiant, /i/, disparaît après avoir imposé sa propriété +ATR à la voyelle du radical. Du coup, /k/ se trouve face à une consonne fermante. C’est pourquoi le radical /nʋw/ ‘main’ devient /niw/ puis [nii] dans /nʋw-i-kaH/ ‘doigt’ qui se réalise niiká. parfois le contexte palatal est si fort que /k/ est obligé de se réaliser [y]. C’est le cas dans /faHw-i-kaH/ ‘chiot’ qui devient /feHy-kaH/ avant de se réaliser féyyá ainsi que dans /baHw-i-kaH/ ‘jeune palmier’ réalisé béyyá. Le contact direct entre /k/ du suffixe et une consonne nasale fermante du radical aurait dû conduire à une coalescence qui transformerait Nk en [ŋ]. Mais la consonne suffixale se maintient, probablement grâce à l’accent que porte sa syllabe. C’est ainsi qu’avec le radical /sɔm/ ‘viande’, on a /sɔm-i-kaH/ ‘morceau de viande’ qui se réalise soŋká et qu’avec /ɖɛn/ ‘bâton, bois’, on a /ɖɛn-i-Hka/ ‘brindille’ réalisé ɖeńka.

4.4. Le marqueur de genre /k/

Le marqueur /k/ se présente avec l’accent fixé sur lui (/kH/) ou flottant à gauche (/Hk/). En position de suffixe, /k/ bénéficie de la voyelle de soutien [ʋ] ; il devient donc [kû] (à partir de ce paragraphe û représente ʋ accentué) ou [ ́kʋ]. Ce que devient le suffixe dépend du schème qui lui présente le radical.

Si le schème du radical finit par V, la consonne du marqueur s’affaiblit au contact de cette voyelle et devient [w] : /lo-kH/ ‘gorge’ se réalise lowú ou loẃ, /k-ca-Hk/ ‘entre-deux billons’ se réalise kɩjáwʋ ou kɩjáw, /k-na-kH/ ‘pouvoir divinatoire’ se réalise kɩnawû ou kɩnaẃ. Mais si V radical est de timbre [ʋ] ou [u] comme la voyelle de soutien de la consonne suffixale, alors [w], pris entre deux timbres identiques, tombe : /bʋ-Hk/ ‘montagne’ se réalise bûʋ, /su-Hk/ ‘pintade’ se réalise súu.

Si le schème du radical est CVC, la consonne fermante reçoit en soutien une copie de la voyelle du marqueur [kʋ]. Ainsi /CVC-k/ devient /CV-Cʋ-kʋ/. Dans ces conditions, la consonne suffixale perd sa propriété d’obstacle et tombe : /CV-Cʋ-kʋ/ se réalise [CVCʋʋ]. C’est ainsi qu’on a /tɔn-kH/ ‘corps’ réalisé tɔnʋû, /kel-Hk/ ‘aile’ réalisé kelúu, /fɔɖ-kH/ ‘herbe rampante, sp.’ réalisé fɔɖʋû et /tɩm-Hk/ ‘calebassier’ réalisé tɩmûʋ.

Si la consonne fermante du CVC du radical est [w], c’est la voyelle du radical qui lui offre, par copie, la voyelle de soutien ; ainsi /CV1w/ se transforme en /CV1wV1/. Pris en sandwich par le même timbre vocalique [w] tombe et /CV1wV1/ devient /CV1V1/. Le contexte vocalique dans lequel s’installe le suffixe affaiblit sa consonne qui devient [w]. C’est ainsi qu’on a /bɔw-kH/ ‘trou’ qui devient /bɔwɔ-kH/ avant sa réalisation en bɔɔwû ou bɔɔẃ, /baw- Hk/ ‘palmier à huile’ qui devient /bawa-Hk/ avant la réalisation bááwʋ ou bááw, /tɩw-kH/ ‘arbre’ qui devient /tɩwɩ-kH/ avant sa réalisation tɩɩwû ou tɩɩẃ.

Si la consonne fermante du CVC du radical est [m], elle se coalise avec la consonne suivante : la séquence -Nk- devient alors -ŋ-. Avec [ŋ], la voyelle finale -Ouv (ʋ, ɩ, i, u) disparaît : ainsi /CVNkʋ/ devient /CVŋʋ/ puis [CVŋ]. Le phénomène est attesté dans /ɖam-kH/ ‘case’ qui devient /ɖa-ŋû/ avant de se réaliser ɖań (ń pour ŋ accentué) ; il est attesté également dans /k-sam-kH/ ‘arbre, sp.’ qui devient /kɩ-sa-ŋû/ avant de se réaliser kɩzań, dans /k-tɔm-kH/ ‘maladie’ qui devient /kʋ-tɔ-ŋû/ pour finir par kʋdɔń.